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Dépèches du Tarn et Saone
30 novembre 2009

à l’abri de tout puisqu’on est dedans les bras ! (redif)

(Retranscrit de l'émission sous les étoiles exactement du 24 Novembre 2009 de Serge Le Vaillant)

 Déjà entendu le 11 Septembre 2009

Je lui fais écouter mes vieux disques, qui ne sont pas, évidemment, ceux de sa génération ! 
elle
Ca court vite, ça passe vite une génération de disques ! Enfin… ça allait vite ! Parce que le disque va disparaître ! Comme pas mal d’autres choses d’ailleurs ! Yéyé, Madison, Rock, Reggae, Rock progressif, Fusion, New wave, Glam, Ska… Fallait suivre, fallait pas griller les étapes. Depuis quelques années, tout est éclaté, sans grand tronc-commun. Si t’es pas ça, t’es autre chose ! Tu dois être autre chose ! C’est comme ça ! Pas confondre survêtement-casquette, dreadlocks, costard fripé, jean troué, chemise fluo, pantalon de cuir ! Pas le même combat ! Tout ce qu’y font, comme disait ma grand-mère, du genre ! Voici venu le temps de la fureur et des ghettos ! 

chaussette

 

On se sert dans les bras, on est à l’abri de tout puisqu’on est dedans les bras ! La télé éteinte ! Non ! La télé fermée. Quand on l’allume, c’est pour regarder un documentaire, un reportage, un film choisi. Loin des ouragans passagers, égoïstes dans notre bulle. Et puis s’il y a générosité de notre part, c’est pas à nous de le faire savoir, ni de l’étaler ! On se sert dans les bras. Un vieux disque. Oh ! Pas si vieux que cela ! Faut pas exagérer ! Une mélodie, une attitude qui avait piqué mon adolescence ! Un détail musical futile qui a changé ma vie. Un détail que j’ai envie de lui faire découvrir pour qu’elle me découvre un peu mieux ! On se sert fort. J’aime l’odeur de paille de ses cheveux ! Avec un fond d’amande douce, mais ça, c’est à cause du shampooing.

 

Télé allumée, télé qui ronronne. Gabin joue comme un cochon, mais comme d’habitude, il crève l’écran !

 

gabin
Comme d’habitude ! Et merde ! Le four qui sonne, et le diner qui va cramer ! 

 

 

Elle ne mange rien ou presque rien. Elle m’explique ses dégouts, ses peurs, ses cauchemars gastronomiques d’enfant. Elle goute. Il faut qu’elle oublie les images de ses hantises. Les poissons gluants, le lapin en peluche, le petit mouton qu’on a égorgé après l’avoir enlevé à sa maman. L’intérieur du ventre du cochon. Il faut que je trouve des astuces, sans la tromper, sans lui mentir. L’apprivoiser pour qu’elle s’ouvre à toutes les saveurs dans le partage.

miam

 

Télé allumée. Vagues outremer et neiges éternelles qui se fracassent sur le granit. Je suis dans la cuisine. Mes narines et mon cœur ouverts en grands. Il faut que chaque soir soit une surprise. Une bonne surprise. Et nous trinquons, les yeux dans les yeux, pour éviter 7 ans de tristesse. 

trinquer

Sa silhouette est une merveille quels que soient les vêtements qu’elle porte ! Cela vient de sa façon de marcher. Elle irait en sabots que sa grâce n’en serait pas altérée ! D’ailleurs, elle est en sabots ! Je voudrais être mufle pour pouvoir la suivre ! Les méchants croiraient que je ne regarde que ses fesses ! Et ben je les regarde ! Je les regarde ! Et le chien qui court autour d’elle, parce qu’il lui montre d’instinct et avec plus de spontanéité combien il lui est attaché ! 

milou

J’irais pas pour autant me mettre à quatre pattes ! Oh ! J’pourrais ! A quoi bon la vanité dans la communion et dans le besoin ? Autant que l’envie de passer le plus de temps auprès d’elle ! Et ce crétin de Milou qui fait le beau pour lui plaire ! On n’est trahi que par les chiens ! Non ! Que par les siens !

 

Elle chante sur le chemin. 

elle2

Elle chante comme si elle était seule. Elle chante souvent, elle chante tout le temps, Ainsi qu’un enfant le fait dans une foret sombre, en sifflant, en chantonnant pour se donner du cœur ! Si elle savait comme elle me donne son cœur en faisant cela ! Un rayon de soleil. Un chemin poussiéreux. Un air des années 90, peut-être Alanis Morissette ou Tori Amos. Et le caillou qu’elle lance pour le chien, qui le prend désormais pour un trésor. On marche, on se sert les mains, doigts croisés, on se regarde dans la même direction, on court les magasins, avec le caddie en jubilant. Qu’elle ne reste pas trop longtemps devant les étalages réfrigérés. 

elle4

Qu’elle ne prenne pas froid ! Que les anciens démons alimentaires ne re-pointent pas leur truffe ! Ce soir, un vrai Guacamole ! Avec de vrais avocats, de vraies tomates, du chili, de la coriandre, du citron, le tout écrasé à la fourchette. Et puis des pates aux cinq viandes, puisqu’elle en mangerait volontiers à tous les repas ! Elle peut ! J’aime son ventre ivoire, tout doux, tout doux, tout chaud, sous ma main, sous ma joue ! Et ses mots qui forment des poèmes déchirants qui lancent des papillons vers le ciel ! J’aime sa silhouette, et son corps dont je ne parlerai pas ici ! Sa silhouette dans le jardin du matin. Le pull qui descend presque sur ses chevilles, et les plans de tomates qu’elle surveille et entretient avec soin. Les plans que le chien bouffera bientôt… Mais, lui, il a tout les droits !

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Elle reste des heures devant le feu, devant la cheminée, paraissant se nourrir des couleurs autant que de la chaleur. Elle reste des heures seule, meublant sa solitude de taches ingrates ou de rêves fulgurants. Elle reste des heures silencieuse, me donnant l’illusion d’écouter mon bavardage. Elle reste des heures à dormir sans perdre son temps. Elle reste des heures à lancer sans se fatiguer la balle, la baballe du chien, lui aussi infatigable cet imbécile ! Elle reste des heures à imaginer le Tarn-et-Saône, la belle maison qu’on aura là-bas un jour, avec des tuiles bleues et des Hortensias. Elle reste des heures au téléphone à prendre des nouvelles de sa famille. Elle reste des heures son grand front baissé, et sa frange, vers les fleurs, vers un insecte qui passe, une goutte de rosée. Elle reste des heures à attendre, sans impatience que ma mauvaise humeur passe comme un nuage. Ce n’est jamais à son propos. Elle est comme ce grand bateau blanc, fin comme une mouette, ancré dans la crique durant le coup de vent, avant de reprendre sereinement la croisière.

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Elle est vraiment ce grand bateau blanc. Elle est aussi une fenêtre ouverte sur bien des possibles ! Elle est mon étoile à quatre branches porte-bonheur, la dentelle au sommet des déferlantes. Elle hait quand je traîne trop tard au petit bar des amis, parce que je ne la préviens pas, et donc, elle s’est inquiétée, mais elle n’en dit rien, ça ne se voit même pas sur son visage clair. Elle a cette élégance qui ne gâche jamais rien, alors que si elle faisait de même, je casserais tout et peut être l’essentiel. On se sert dans les bras. On dort ainsi. Non ! On dort, et c’est moi qui la sers dans mes bras ! Je ne dors pas. Je l’écoute rêver et je cauchemarde. Je ne voudrais pas qu’elle soit obligée un jour d’aller m’acheter des fleurs. Ouais ! Quel orgueil d’imaginer son chagrin, et qu’elle ait le chien en héritage. Plus agréable que de penser que tant qu’elle vivra, j’existerai encore un peu. Elle est mémoire, l’échiquier qui fixe mes gestes et mes pensées. La cendre des fleurs parfumées. Elle est de tous les instants trop rares et trop vite consumés. Il n’y a pas de lendemains qui chantent. C’est ici ! Ici ! Et maintenant ! Maintenant ! Tout apprécier, tout partager, tout aimer à travers elle. On se sert dans les bras. Un goéland pleure au loin sur la grève. La dune semble frémir sous les assauts des risées. Demain, on prend la mer vers un gros caillou en forme d’ile qui peu l’iode et le sel. Là, elle courra nue sur les rochers, et cet enflé de chien sur ses talons. Elle tentera de passer un sms à ses parents pour leur dire son « boneur »…

ile

 

Elle est assise près de moi, elle est partout dans l’atmosphère. Elle est dans la cuisine à faire le ménage et la vaisselle ou plutôt à récupérer, rattraper mes conneries parce que je ne sais pas faire de pâtisseries correctement, proprement. Elle est au piano, composant une mélodie céleste et enfantine qui ne sera jamais enregistrée car elle s’envole et éclate comme bulle de savon. Elle est en train d’étendre le linge. Elle est plongée dans les nouvelles que lui envoie une amie âgée, et qu’elle comme du courrier. Elle est sourire devant chaque surprise qu’elle prend pour cadeau. Elle est liberté gagnée dès son adolescence. Elle est courage permanent. Elle est belle, mais bientôt magnifique ! Forcément ! Elle est de celle qui ne peuvent vivre des aventures mais qui méritent des histoires, ces histoires que l’on tricote patiemment comme écharpe de laine ! Elle porte une bague à chaque doigt. Chaque bague est un souvenir qui lui donne la sensation de conjurer les mésaventures futures, puisque l’avenir est incertain ! Alors que certaines mémoires sont tatouées sur son cœur, solide comme un moineau.

 

C’est tatoué sur son cœur, mais, sur sa peau, pas de tatouage ! Elle est lisse ! Comme neuf ! Elle soupire dans le vent. Les plants de tomates sont par terre. La télé diffuse un film avec Michel Simon, qui joue comme un dieu ! 

michel_simon

Quel cochon ! Le talent et le génie sans bosser ! Alanis Morissette chante « Tu tombes, tu apprends ! Tu pleures, tu apprends ! Tu aimes, tu apprends ! » Quelque chose dans le genre ! Un insecte rejoint une grosse goutte de pluie, et se débat, un nuage passe, et puis un autre et encore un autre. Le front baissé sur le papier blanc comme neige, neige éternelle, que je noirci sans rien fracasser…

 

Elle est… Où est-elle ? Où est-elle ? Oh ! Oh ! Milou ! Où elle est ? Où elle est mémère ? Cherche ! Cherche-la ! Où elle est ? 

milou2

 

Il bouge pas !

milou

Quel crétin définitif ! Qui ça ?

 

 

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