Oyez! Oyez! Amis du Tarn et Saône! Mobilisez vous!
Télérama et Médiapart, souvent bien informés et avant les autres, ont eu vent du fait que l'émission de Serge Le Vaillant, "Sous les étoiles exactement" ne serait pas reconduite à la rentrée.
Comment envisager priver les ondes de la présence de cet homme de radio, créateur talentueux du département fictif du Tarn-et-Saône et de tout ses attachants personnages, mais aussi compagnon fidèle des nuits de bons nombres d'auditeurs qui par choix ou par devoir, sont réveillés entre 1 heure et 5 heures du matin.
Un nombre incalculable d'invités ont pu venir échanger avec Serge pour parler de leur bouquin, de leurs actions, de leur musique, de leur art, j'en passe et des meilleurs!
Il a déjà fallu, voilà quelques mois se restreindre à deux émissions le week-end, diffusées "dans les conditions du direct" mais réalisées pendant la journée, en semaine.
On ne veut pas que les programmes de nuit ne soient qu'une rescussée de ce qui est diffusé pendant la journée!
Allez-vite soutenir la pétition créée spécialement voilà quelques heures afin de montrer notre attachement à ces moments de radio, la vraie radio qu'on aime!
(Retranscrit
de l'émission sous les étoiles exactement du 8 Avril 2010 de Serge Le Vaillant)
La
première gorgée de bière ! Oui ! Et plus souvent la petite cuillère
chaque matin ou carrément la tartine d’une toute autre matière. Déjà et encore,
les trains, les métros, les avions qui ne partent pas ou qui n’arrivent pas à
l’heure, les taxis qui sentent la chaussette douteuse et le tabac froid, bien
qu’il soit défendu aux passagers de cloper ! Et puis j’aime pas plus les
scooters aux pots d’échappement spéciaux, qui font un barouf, un boucan de tous
les diables, et qui emmouscaillent tout le monde ! Les crétins nerveux,
c’est pas une excuse, qui klaxonnent à tout va ! Ceux qui font des
démarrages en faisant crisser et fumer les pneus, en se croyant malins, en se
croyant sportifs dans le coup !
Et
les autres ? Ah ! Y sont beaux ! Ah ! Les pauvres
gens ! Vitres baissées, qui roulent au ralenti avec la sono à fond,
diffusant alentour une musique de débiles !
J’aime
pas les ceuss’ qui crachent, constellant le bitume ou le gazon d’étoiles
glaireuses ! Et les autres, qui se grattent à tout moment, à tous propos
les choses de la vie ? Ont-ils peur qu’elles se sauvent ou les
quittent ? Et d’autres encore, qui mangent leurs crottes de nez ! Ah !
Mais j’en connais ! J’ai les noms de quelques-uns ! De ces gourmets
qui apprécient tout particulièrement le salé ! Et ceux qui mâchent la
bouche pleine ! A table, tu vois plus que ça ! Le broyage de la
salade, des oignons et du steak haché ! Et y parlent en même temps,
t’expédiant des reliefs de leurs repas dans ton assiette !
On a
tous vécu pareille situation ! Et on y a survécu, comme quoi, ça doit
vacciner ! Et les « puent de la gueule » ? Ou plus joliment
dit ceux qui ont mauvaise haleine, les relents de tout-à-l’égout résultants
d’une plomberie défaillante, sinistrée et comme par un fait exprès, ils vous
parlent à 20 centimètres du visage, les yeux dans les yeux, en vous
postillonnant dans les naseaux, où vont se loger inéluctablement leurs
miasmes !
Passons
rapidement sur les producteurs d’incongruités, qui nous font partager leurs
exhalaisons de bon cœur, après avoir levé une fesse, pour être mieux à
l’aise ! Ah ! Le rototo de fin de repas ! Le rototo des pas
éduqués, des pas élevés, juste et seulement nourris ! Des « pensent
qu’à leur gueule » pas bégueules, décontractés en toute occasion ! Et
les ceuss’ qui oublient de se laver ou qui ne savent pas se
décrasser ? Les « puent le gras, le suint, le suif » ! Les
« puent des aisselles » qui emboucanent les atmosphères ! Les
« puent des pieds » qui se déchaussent sans vergogne dans le train ou
au bureau ! Les autres, ou les mêmes… Qui ne se lavent pas les mains aux
goguenots et qui, les doigts encore humides, vous serrent la pince, ou piochent
dans le bol de cacahouètes, de bon cœur !
Ceux
qui ne tiennent jamais la porte ouverte pour celui ou celle qui suit, qui ne
remercient pas plus ceux qui le font, les resquilleurs, les pousseurs, les
joueurs de coudes et ceux qui gueulent, et ceux qui toussent et éternuent sans
jamais placer leur main devant leur bouche. Le voitures de fonction avec
gyrophare, les panoplies religieuses, les portes qui claquent à cause des
courants d’air, les courants d’air ! Ceux qui ne tirent jamais la chasse
d’eau ! Les loupiottes laissées allumées dans les pièces inoccupées !
Les menteurs, les vantards, les traitres, les scélérats, les imbéciles dans les
jeux à la télé ou ailleurs, les couillons, les cons, ceux qui sont contre la
peine de mort mais qui tueraient pour une place de parking ! Celles et ceux
qui empruntent des livres, des cd, des bd, des dvd et qui ne les rendent
jamais ! Ceux qui ne signent pas leurs textos ! Ceux qui vous tapent
du fric ! Celles qui vous téléphonent toujours quand vous êtes sous la
douche ou dans le bain !
La
souffrance, le mal de tête, la rage de dents, l’otite, la colique,
l’hypocrisie, Ah ! Et le dentiste, les piqures, les suppositoires, les
cataplasmes à la moutarde, le sparadrap qu’il faut arracher, la boulangère qui
sert le pain et qui rend la monnaie avec la même main ! Les distributeurs
de boissons ou de friandises qui vous arnaquent, qui vous piquent du
fric ! Les embouteillages à cause des crétins qui ralentissent pour
observer, pour contempler un accident sur le bord de la route !
Les
salles d’attente, les serveurs qui vous envoient péter, bouler, chier !
Les couverts en argent, qui ont encore le goût du produit pour les
nettoyer ! Les politiciens qui se font maquiller avant de passer devant
les caméras, les mêmes qui l’avaient bien
dit, qui savaient bien, bien avant, qui n’ont pas su faire, pas tout pu faire,
parce que… Ils le voulaient bien, mais à cause des autres, leurs adversaires,
qu’ils respectent tout de même…
La
pensée unique, le politiquement correct, la philosophie des bisounours, Ah !
Et puis l’heure d’hiver ! Ho ! Ah ! Ca, l’heure d’hiver, c’est
terrible !
Les
vedettes de cinéma qui jouent aux cons et qui font les cons en guise de promo à
la tv. Les bêtisiers sur le DVD. Le kébab, le panini, le hot-dog, le hamburger
et les nuggets ! Le beignet de cervelle et les endives en gratin !
L’infidélité, l’incompétence, la paresse, la faignantise, le mépris, la coupe de cheveux en mulette, les œillères,
un parapluie ouvert dans une maison. Les tongs et les crocs ! Les
dragueurs qui ne doutent de rien dans les rues. Toutes les agressions, et
l’enfoiré en string sur la plage ou sur les bords de Seine en saison, une
bouboule de chaque coté de la ficelle, devant les gosses ! Les
belles-mères qui savent tout mieux que tout le monde et qui vous expliquent la
vie, faute d’avoir une réelle existence. Les repas de famille qui durent des
plombes !
Les
modes, qui nous veulent tous maigres, et qui poussent les gamines dans
l’anorexie ! La frime. La publicité qui nous prend pour des cons et qui
nous rend cons ! Les chansons de Claude Francois en boite de nuit. Les
boites de nuit. Les anecdotes en guise d’information. Le sport. Le sport à haut
niveau, qui ne transpire que le pognon !
Le
porno. La prostitution. Les filles de joie qui ne peuvent vraiment l’être… De
joie ! La misère. Toutes les misères ! Matérielle, morale ! La
guerre, le choléra, encore pire : Les séries TV américaines ! La
violence ! Toutes les violences ! La grippe aviaire, qui
heureusement, n’a pas fait des milliers de morts, comme c’était prévu, et qui
s’est arrêtée d’un coup, comme le nuage de Tchernobyl !
Celles
et ceux qui nous prennent pour des cons ! Les merdes de chien sur le
trottoir ! Les miettes de biscottes au fond du lit ! La pollution,
toutes les pollutions ! Les parents qui giflent, qui tapent leur enfant
dans les magasins ou ailleurs. Ailleurs, on n’ose imaginer la saloperie de ces
abrutis qui ne savent pas se contrôler ! Le gens qui se foutent et qui
s’en foutent de tout, mais pas d’eux-mêmes ! Les nombrils ambulants !
Les bricoleurs du dimanche ! Du dimanche matin ! Face bock ! Le
camping-car ! La panne d’électricité ! Les salopards qui prennent la
forêt, la nature, la mer, pour des décharges publiques ! Les chiens qui
gueulent sans arrêt et qui hurlent à la lune, la nuit. Les maitres qui
préfèrent leur clébard aux humains, les charlatans, qui prétendent pouvoir
guérir des maladies.
Celles
et ceux qui veulent nous obliger à prendre le métro et le vélo, alors qu’ils ne
le font pas eux-mêmes, sinon le jour de l’inauguration, devant les journalistes.
Le rire du sergent, les tags, le moustique qui nous réveille au cours de la
nuit, alors qu’on avait eu toutes les peines à trouver le sommeil ! Les
guêpes, es frelons, les bourdons, les vipères, les rats, la mouche sur la motte
de beurre, les impôts, les taxes, les lois qui sont faites pour être
contournées, les emballages, la photo des emballages qui ne correspond pas au
produit qu’il y a à l’intérieur.
La
mauvaise foi, la raison du plus fort, les féministes qui engueulent leur femme
de ménage, le gros monsieur sur le trottoir avec ses sacs à la main, qui marche
avec une lenteur exagérée et qui fait en sorte qu’on ne puisse le dépasser, le
doubler ! Le crétin qui traverse la rue dans les clous, mais lorsque le
feu est vert ! Les mecs qui pissent au bord des routes ou en ville !
Les commerçants qui font la gueule. Les plus jeunes qui ne respectent pas les
anciens. Les éleveurs hors-sol, alors que les bestiaux pourraient courir dans
les jachères ! Les entreprises qui ferment alors qu’elles font des
bénéfices. Le boucher, qui pèse le gigot pas préparé, encore avec le
gras ! Les appels téléphoniques de l’étranger, ou de France, à des fins
publicitaires.
Les
postillons, les mains moites, les types qui causent en donnant des tapes ou des
coups de coudes à leurs interlocuteurs dans l’espoir de se faire mieux
entendre. Les pigeons des villes, et ceux qui les nourrissent ! Les mecs
bourrés qui vous expliquent pâteusement la vie !
Les
femmes enceintes qui fument ! Les jeunes mamans qui clopent en donnant la
tétée, en donnant le sein ! Les augmentations de tarif ! Le poil dans
la purée, au restaurant ou à la cantine ! Les CRS contre les infirmières,
les paradis fiscaux, la pluie, le givre, le verglas, la grêle, la neige en
ville, le cuistot qui a la goutte au nez ! Ceux qui toussent au
théâtre ! Celle qui rit toujours au mauvais moment au cinéma ! Les
arnaques automobiles. Les dvd et les cd qui ne marchent plus, qui buggent, qui
déconnent !
Le
périphérique fermé ! Les travaux sur les routes avec les déviations mal
organisées qui forcent à un détour de 15 km dans les embouteillages. Les
histoires de fesses des vedettes et des puissants.
Et
puis surtout et particulièrement, le pire ! Ce que je ne peux absolument
pas supporter, piffer, c’est les mecs qui râlent tout le temps, et qui ne
voient dans la vie que les mauvais aspects !
(Retranscrit
de l'émission sous les étoiles exactement du 6 Avril 2010 de Serge Le Vaillant)
Y a
de ça oh… Y a pas longtemps, c’est même pas digne de naguère, de l’autrefois ou
de l’Antan, comme, et puisque vous êtes bien gentils, tous autant que vous êtes,
comme un seul homme, éveillés, réveillés, insomniaques, somnambules, tombés du
lit par inadvertance, gardiens de parkings, comme d’autres ont gardé le feu
dans les cavernes… Oh ! Non ! Nous n’irons pas jusque-là ! Je ne
vous entrainerai pas jusqu’aux temps préhistoriques ! Pourtant, on va
rester chez les sauvages ! Vous verriez leurs tronches et vous voteriez
pour eux, on casserait du silex d’ici pas longtemps ! D’ailleurs, on n’en
est pas loin de casser du silex avec les zèbres élus qui continuent de nous
prendre pour ce qu’on n’est pas vraiment ! Enfin… Chacun son métier !
Le notre, c’est de bosser !
Y a
de ça… Oh ! Toute une histoire et pas grand-chose en définitif !
C’était y a pas trois jours, le long du zinc ! Le zinc… La plupart du
temps, je dis le comptoir, j’sais pas pourquoi ! Ca doit à cause, ou grâce
à mémé Ursule, qui était une bonne nature, mais elle descendait ses deux
casiers de sauvignon quotidiennement ! Mais à l’apéro, attention !
Elle était moins rapide et téméraire ! Elle faisait une manière de pause,
toujours à la Suze ! Enfin…. J’ai pas le droit de faire de la pub !
La Suze ! Tiens ! D’ailleurs, je voudrais en faire de la pub !
Tiens ! Même, y me fileraient un petit chèquosse, pour dire du bien, adroitement
de ce produit précité, et ben je le pourrais pas quand-même ! D’abord
par honnêteté déontologique et puis ensuite et surtout parce que la Suze, j’ai
toujours trouvé ça dégueulasse ! N’empêche que mémé Ursule, bonne nature,
clamait et proclamait que ça pouvait pas faire de mal, puisque c’est élaboré
avec des plantes !
Le
long du comptoir, donc, ou du zinc, c’est au choix, et je vous parle bien sur
de… Ah ! Non ! Ah ! Non ! Non ! Non ! Non !
Vous m’aurez pas cette nuit ! C’était le comptoir de chez Saïd, a l’Oasis,
au bas de la côte Sainte-Sournoise, patronne des femmes infidèles, en sortant
du bourg à Plouhrinnec-Kermarleur ! Bande de malheureux et
d’innocents ! Vous pensiez déjà en votre for intérieur et votre conscience
de mécréants que j’allais vous attirer une fois de plus au petit bar de
l’Escale, en haut de la côte du Paradis ? Oui ! L’estaminet dont le
patron est l’Olivier, qui a été ambulancier dans les années 80, et qu’a fait
dans le porno, comme il dit, dans les seventies ! Et ben non ! Que
nenni ! Bien eus ! Ca se passait à l’Oasis !
J’étions
donc au comptoir, pardon… Au zinc de l’Oasis, où Saïd, qui a le sens de
l’hospitalité alsacienne, donne des bouts de merguez à la généreuse au moment
de l’apéro ! Pas comme un certain gras-du-bide, ancien acteur érotique,
qui fait payer les cahuètes au distributeur tout en percevant son pourcentage
au passage ! C’était y a pas trois jours ! P’t’être bin vendredi
soir ! Nous étions… Ah ! Ben ! C’est encore moins
compliqué ! Nous étions deux ! Ouais ! C’est pas difficile à
compter, deux ! Ca se trouve même sur les doigts d’une seule main d’un
bucheron canadien ! Y avait moi, ça c’est sûr ! Ah ! J’allais
oublier Saïd ! Oh ! Y va pas être content ! J’étions donc trois,
avec Saïd et avec cet insolite de Norbert, Nono, Gandon, qu’était compteur de
camionnettes autrefois aux abattoirs Boulard et fille ! Et puis, qu’est ce
que vous voulez ? Un homme est un homme ! On n’est pas de bois,
c’est-y pas vrai ? Il lui est venu comme des velléités artistiques !
Quarante heures par semaine dans sa guérite, sous la casquette pour faire
genre… Ah ! Oui ! La casquette, c’est pour faire genre !
Ah ! Ca, mon vieux, dès qu’un con veut se prendre pour un flic, manière de
rappeler à ses concitoyens un certain ordre, y peut pas s’empêcher mon vieux,
faut qu’y mette un uniforme pour faire semblant et pour se mettre en
valeur !
D’ailleurs,
la panoplie vaut bien dans plusieurs domaines ! Si on veut s’arrêter un
moment à une réflexion certaine non dénuée de bon sens, force est de constater
que l’uniforme semble faire le moine, l’évêque, l’imam, le rabbin, le lama en
lévitation ! Ah ! Ben, l’uniforme, la panoplie ça pose immédiatement
le bonhomme et la fonction ! S’il est pas barbu, s’il porte un tutu, s’il
n’a pas le chapeau de carnaval, si y se balade en string, ah… Mais y perd pas
mal en crédibilité, en pouvoir ! Tiens ! Je vois mon pote, Marcel
Diouf, qu’est vigile à SuperInterHyper ! L’été, vu qu’il souffre des
glandes de ses pieds, mais… Dès qu’y met des tongs, mon vieux, les anciennes
refusent d’ouvrir leur cabas dès qu’il veut les contrôler ! Elles le
respectent plus ! C’est le même principe, tiens, pour le maitre-chien,
qu’on n’imagine pas assurant la sécurité comme dans les plus belles heures du
Chili en survêtement-baskets décontracte et souriant ! Faut qu’il ait les
rangers de l’armée, l’armée qu’a pas voulue de lui… Faut qu’il prenne l’air
bête et méchant de celui qui veut notre bien et qui ressemble de plus en plus à
son chien ! Et son chien, c’est pas un épagneul breton, sinon, on n’y
croirait pas plus !
On
causait ni mode ni chiffons, ni ethnosociologie, ni philosophie bisounours, ce
beau mouvement qui tend à nous faire admettre, qu’en ce monde merveilleux, tout
va pour le mieux et qu’on est tous pareils ! Tous pareils !
Hé ! Hé ! A condition de respecter nos différences ! Hé !
Hé ! Hé ! Hé ! Hé ! Non, avec Nono, on causait de tout
et de rien ! C'est-à-dire comme des imbéciles de bonne compagnie et de
voisinage sympathique de la météo ! C’est-à-dire de la pluie et du beau
temps ! Et puis on causait de la TV ! Enfin… Des programmes de la TV
puisqu’on se dit tout ! Et puis, on est revenus sur la météo, bref… Des
sujets qui ne sont pas de fâcherie ! Bref, encore et toujours entre
gentlemen !
Faut
vous dire, monsieur, que je suis toujours sur mes gardes avec le gars
Gandon, Norbert de son prénom, Nono de son surnom, vu qu’il est connu sur la
communauté de communes pour être vicelard ! Qu’y soit passé de compteur de
camionnettes à journaliste localier, très localier pour le Tarn-et-Saône libéré
ne change rien à l’affaire ! Déjà, tout petit, il tirait les couettes de
la fille Collet et il pinçait le derrière du petit Bézikian ! Après
le catéchisme, il montrait sa boutique à qui voulait bien la regarder, sans
filtre et sans webcam ! Du monde joli et propre, qui aurait pu, qui aurait
du finir en prison de mœurs, si la police avait autre chose à faire que de
mettre des prunes sur des pare-brises et de rançonner l’automobiliste qui roule
à plus de 50 et moins de 60 sur de la six-voies en ligne droite !
« Les
urgences d’abord ! D’abord faire du pognon ! » Gardiens de la
paix… Comme disait Coluche : « Y feraient mieux de nous la
foutre ! »
J’aime
pas dire du mal, surtout pas au comptoir de l’Oasis, chez Saïd, au bas de la
côte Sainte-Sournoise, mais le Nono Gandon, faut s’en méfier et le surveiller
comme le lait sur le feu, à la fois, il a jamais été pris en flag’, sinon en
flagrant délit de connerie ! Ah ! Pour ça, il en connaît ! Il en
débite des conneries ! Toujours à blaguer en dessous de la ceinture !
Comme par le principe d’Archimède, plus c’est cochon, voire même crade, plus ça
fait rire, et mieux il peut faire son intéressant une fois encore ! C’est
humain !
Y a
de ça y a pas trois jours, c’est pas difficile, l’avant-veille j’avais planqué
des œufs dans le jardin pour la grand-mère, qu’est friande de chocolats,
surtout depuis le début de son Alzheimer ! On n’a que le bon temps qu’on
se donne ! C’est-y pas vrai ? Saïd, malgré sa bonhomie coutumière, allait
fermer ! C’est alors que dans ses réflexions profondes, Nono Gandon m’a
proposé de prendre un dernier ! Un p’tit dernier chez lui, à sa
maison ! Et puisque comme par accoutumée j’avais encore soif, j’l’ai suivi
sans méfiance, vu que lui-même affirme de son propre-chef et par avance qu’il
est bien vicieux, il le reconnaît ! Et comme disait l’abbé Viguier :
« Faute
avouée est à demi pardonnée ! »
Mais…
J’m’attendais pas à un coup tordu de sa part, vu que je suis adulte, en état de
santé apte à me défendre et avec le karma toujours intact. Mais j’estimais en
mon for intérieur qu’il était dans la possibilité de me montrer de belles
saloperies ! Les bières étaient à peine décapsulées qu’il m’a
annoncé : « J’vas t’montrer un drôle de DVD ! »
Il
l’avait dégoté clandestinement, sous le manteau ! C’était de la chose interdite,
bien sûr ! Et comment ! Et sacrément ! J’en ai vu de sacrées
dégueulasseries depuis mon régiment, et depuis que ma sœur a épousé un routier
qui va jusqu’en Ukraine et au Danemark ! Mon beauf Raoul, qu’est bien à
son affaire, et qui se tient bien au courant et au goût du jour des nouveautés
du sexe ! J’en ai vu de sacrées saloperies, vu que mon gamin, il est très
internet ! Mais alors-là, ça dépassait tout ! Mais qu’est ce que j’ai
été me compromettre à mater un truc pareil qu’a pas fini de me travailler
durant mes pires cauchemars ? Pour boire une bière à peine fraiche !
La saleté de moi-même ! On est peu de choses !
Oh !
Le film ? Ne me demandez pas le titre ! Le film à Nono, pas de
titre ! Pas de musique ! Pas de décoration ! Du brut de
décoffrage ! Mise en scène, zéro ! Y avait juste une blondasse, qui
se filmait elle-même ! Ah ! La paroissienne de mes fesses !
Ah ! La drôlesse ! Elle était en T-shirt du PSG, déjà une
honte ! Vu qu’elle était de face, j’ai pas vu le numéro, j’espère que
c’était pas Sakho ! Et là… La salope ! Y a pas d’autres mots !
Excusez mesdames-messieurs ! Si ! J’pourrais dire la grosse
cochonne ! Elle était devant un verre ! Devant une suze ! Elle
en a pris une gorgée, puis elle a allumée un clope ! C’était pas n’importe
quel clope ! C’était du tabac brun, enroulé dans du papier maïs ! Pas
de la clope de chanteur de variété ! Du lourd ! Elle a tiré une
vingtaine de taffes, les yeux droits dans la caméra ! J’ai trouvé ça
honteux ! J’ai trouvé ça dégueulasse ! Plus l’alcool, la Suze et
après la clope, vous savez ce qu’elle a fait ? Elle s’est mise à grignoter
entre les repas ! Là, j’en pouvais plus !
Et
quand elle a commencé à critiquer le gouvernement…
Retranscription du 2 Avril 2010 de Serge
Le Vaillant
2080 ! Et oui ! Ben, cette
nuit, vous ferez un effort supplémentaire d’imagination !
Dites-donc ! J’suis pas le cinéma d’Hollywood ! J’peux pas tout vous
mâcher pour vous faciliter la digestion ! Oh ! Vous en faites
pas ! J’vous vois au volant du camion, le bras gauche à la fenêtre ouverte
pour lutter contre l’endormissement ! Vous en faites pas !
Ouais ! J’vais pas vous bercer avec une pignolade du Tarn-et-Saône cette
nuit ! J’vais vous faire décoller la pulpe du fond ! Pire que ça,
j’vais vous amener à une certaine réflexion ! Oh ! Derechef, j’vous
préviens tout de suite, j’ai de leçons à donner à personne ! Au mieux,
j’vais vous éclairer des pistes ! Après, à vous de vous débrouiller pour
trouver le chemin ! Vous passerez p’t’être en donnant du
coupe-coupe ! De toute façon, comme par ailleurs, on va vers
nulle-part !
2080 ! J’vous donne un élément
important et pourquoi-pas essentiel ? Ce sera en février 2080 !
Peut-être bien le 30 ou le 31 ! C’est pas de la science-fiction vers où
j’nous lance, mais j’crois bien que ce sera de l’anticipation !
Science-fiction, anticipation… Oh ! Oh ! Oh ! Oh !
Consultez le dictionnaire, c’est toujours avec profit !
Sauf mes routiers, qui garderont les yeux
sur la route, s’il vous plait !
Et mes boulangers préférés, mes
boulangers, à 2h41, y sont déjà au boulot ! Pas comme ces feignasses qui
bossent la farine de Roumanie au micro-onde, parce que la veille au soir, ils
ont préféré mater une bonne émission sur la première chaine en couleurs !
De quoi s’imaginer dans le canapé homme moderne et rebelle ! Non !
Moi, j’vous cause des vrais artisans ! Qui aiment leur métiers et qui
aiment les autres, qui sont des clients, certes, mais pas seulement !
C’est aussi presque et pratiquement des admirateurs, qui le bénissent, chaque
jour, le bon boulanger, de faire de la baguette qui se tient, qui a de la forme
et qui a du goût ! Merci les gars ! Tenez bon !
Science-fiction, anticipation et
démagogie ! Et alors ? J’fais ce que j’veux ! J’suis dieu !
Non ! Mais je vous vois ! Je vous vois devant le four à bois, en
train d’engueuler le mitron, parce que… Il a les yeux rouges, vu que le petit
mitron, c’est une gueule à foin, et qu’y sort jusqu’à des pas d’heures !
Ah ! Quelques semaines plus tôt, il vous suppliait encore de lui donner du
boulot ! Et puis, très vite, vous vous êtes rendu compte que le salaire
lui suffisait très bien ! C’est pas du travail qu’y voulait ! C’était
du pognon ! Tout simplement ! J’peux pas mieux dire !
J’vous vois aussi, en slip dans la
cuisine, attendant que l’eau bouille pour le caoua, tandis que la famille
roupille dans les hauteurs du pavillon ! Vous curant le nez et vous
grattant les choses de la vie ! Me maudissant parce que je donne jamais
l’heure !
« France Inter, il est … C’était
Frédéric François, je l’aime à l’italienne ! Il est… Heu !
Pardon de vous interrompre Rika Zaraï, parce qu’il est… »
Non ! Je donne jamais l’heure !
Sinon, à heure-pleine et exceptionnellement pour saluer mes amis boulangers !
Et les vrais ! L’heure à heure-pleine, c’est peut-être même déjà trop pour
les insomniaques ! Pour les malheureux en souffrance à l’hosto ou près de
leur moukère, qui aimeraient ne pas avoir à compter les minutes et les heures
au plafond !
J’vous donne pas l’heure, mais j’vous
donne la date ! Ce sera le 30 ou le 31 ! Allez ! On va dire le
31 février 2080 ! Oh ! C’est pas si loin ! Ca va venir
vite ! C’est rien du tout dans la course des siècles ! Mais en 2080,
qu’est ce qu’on sera devenus mes pauvres amis ? Oh ! Pour ma part,
j’suis bien tranquille, parce que ça fait bien longtemps que j’ai décidé de
retourner à ce moment-là chez ma mère pour passer ma retraite ! Elle vit
dans un petit bled en Tarn-et-Saône, Bazoges-sur-Surche ! En 2080, là-bas,
j’serai peinard, tranquille ! Sans rien demander à personne !
D’ailleurs, y faut jamais rien demander à personne ! Et puis, en 2080, on
pourra plus rien demander ni rien exiger ! Faudra faire part de ses
volontés par mail ou par texto, essentiellement ! On nous répondra…
Comment s’en passer de ce qu’on a besoin !
J’ouvre la porte. C’est celle de
l’appartement 21C3B du lotissement Francis Heaulmes à
Boursault-neuf-Moutiers ! Quoi Francis Heaulmes ? Vous avez fait un
bond ? Comment peut-on donner ce nom-là à un lotissement ? Vous
connaissez le nom de Francis Heaulmes ? Vous voyez qui c’est ? Vous
voyez ce qu’il a fait ? Et Raymond Roussel ? Vous connaissez Raymond
Roussel ? Lui, c’est un merveilleux écrivain suréalisant, auteur d’
« impressions d’Afrique », de « la doublure » !
Cocteau, Pérec, tout le monde l’admirait ! Ah ! Mais vous connaissez
Francis Heaulmes, mais pas Raymond Roussel ! Et Paul Divois ? Ca vous
dit quelque-chose Paul Divois ? Merveilleux écrivain ! Il était
encore plus fou que Jules Verne ! Et Jacky Gandon ? Ca vous dit
quelque-chose Jacky Gandon? Merveilleux violoniste qui a
malheureusement échoué au concours pour entrer à la fanfare de
Boursault-neuf-Moutiers ! Mais, Francis Heaulmes, ça, ça vous dit !
Oui ! Et ben c’est pour ça qu’en 2080, on a commencé à donner aux rues et
aux monuments le nom des enfoirés que tout le monde connaissait, puisque… y a
que ça qui vous intéresse !
La porte de l’appartement 21C3B du
lotissement Francis Heaulmes à Boursault-neuf-Moutiers, c’est là qu’habite Shakira
Boulard ! 109 ans ! 109 ans ! Le 31 Avril prochain, si tout va
bien, elle aura 110 ans ! Ce qui est toujours remarquable ! C’est-y
pas vrai ? Là, je parle aux centenaires qui m’écoutent et qui ont vu la
famille, leur famille le jour de leur anniversaire, mais ni les jours
précédents, ni les jours suivants !
J’en connais moi des centenaires !
Evidemment ! Y en a de plus en plus ! Y me l’ont dit ! Le jour
de leur anniversaire, le jour de leur siècle, ils étaient tous là les
enflés ! Même les plus jeunes, qui tiraient la tronche, comme
d’hab’ ! Le nez dans leur portable, avec leur capuche sur la
tronche ! Ouais ! C’est que les jeunes, y auraient préféré se
retrouver en photo sur face bock ou dans les inrockuptibles, mais pas dans le
ringard « Tarn-et-Saône libéré » auprès de l’ancêtre ! Ca, ça
fait « tiép » ! C’est la « tehon » ! La famille
autour de l’aïeul dans un canard rural… Et ben dis donc, quand t’es djeune, tu
penses que tu vaux mieux que ça ! D’ailleurs, ta misérable existence
prochaine, ton misérable avenir de crétin déjà raté victime des modes à chier
le confirmera ! Poser auprès de Papy, en se disant qu’après-tout, ben… Si
on lui doit la vie, euh… Oh ! Hé ! Oh ! C’est que par
hasard ! Le hasard d’une nuit alcoolique durant laquelle il avait sailli
mamy par inadvertance ! Et puis, quand on voit sa gueule, sans se douter
qu’on tient de lui et qu’on aura la même plus tard, dans ces certitudes
pubères, y a pas de quoi pavoiser !
Elle, elle se prénomme Shakira ! Ou
plutôt, elle s’est rebaptisée ainsi à l’aube du troisième millénaire parce
qu’elle avait… Elle avait du mal avec son vrai prénom : Suzanne !
Oui… Bon ! Y avait Suzanne Vega au siècle dernier ! Et puis, y avait
Susan Boyle ! Susan Boyle… Ah ! Oui… Ca faisait envie ! Depuis,
y a beaucoup de petites filles qui s’appellent Susan !
Un jour, donc, après 2000 et la féérie
offerte sur les Champs-Elysées par la Mairie de Paris qu’est jamais à une
connerie près, elle a décidé de se faire appeler Shakira ! Et autour
d’elle, personne, mais personne n’a bronché ! Personne lui a dit :
« Mais… T’as tort ! Suzanne
c’est mignon ! En changeant de prénom, tu me donnes l’impression de te
renier ! »
Personne ! Mais tout le monde s’en
foutait, déjà ! Elle aurait dit, du jour au lendemain :
« Tiens ! J’vais me faire
appeler Mamadou, euh… Grishka Bogdanoff, Michel Drucker ou sa chienne
Zaza ! »
Pas un mouvement de sourcils ! Tout
le monde se fichait déjà de tout le monde ! Alors, va pour Shakira !
Ca faisait bien Shakira aux abattoirs Boulard et fille ! Shakira Boulard,
emballeuse de blanc de dinde à façon !
« Oh ! C’était du temporaire ! »
Qu’elle clamait pendant six ans, après s’être vautrée au brevet des
collèges !
« Vous verrez ce que vous
verrez ! » Qu’elle promettait !
On a vu ! Ou plutôt… On verra !
Elle sera dans le journal pour la première fois de sa vie ! Pour ses 110
ans.
Après les abattoirs, elle est partie
pour… Mais non ! Pas pour Massy-Palaiseau ! Mais, vous en avez pas
marre que je les fasse partir tous vers Massy-Palaiseau ? Non ! Elle,
elle est allée au Châtelet-sur-Souilly ! Ce qui est pas plus mal, surtout
pour tenir un kébab, vu qu’elle avait rencontré un espagnol ! Ils sont
fortiches ceux-là, hein ? En kébab ! J’crois bien que c’est leur plat
national ! Comme chez nous d’ailleurs ! C’est p’t’être ça
l’Europe : Du kébab partout, et du kébab pour tous ! Lui, donc,
Johnny, comme beaucoup d’espagnols se prénomment, y tenait la caisse et Shakira
tranchait la bidoche et servait les sandwichs, élégamment présentés dans du
papier ! Déjà qu’elle était pas frileuse, avec la chaleur de la
rôtisserie, c’est devenu interdit aux moins de 6 ans ! Oh ! C’est
loin tout ça !
2080 ! Dans quelques semaines, on va
fêter ses 110 ans ! Les journals du coin, les locals, y sont sur le coup,
pour sûr ! Oh ! Y feront pas les grands titres avec ça ! Mais…
Un petit article, ça fait toujours plaisir !
« Madame Shakira Poilbout, née
Suzanne Boulard… »
Ah ! Oui ! A un moment, elle
avait épousé un gars Poilbout, qu’était tatoueur, rue Jacques Crozemarie à
Plourhinnec-Kermaleur ! Durant les périodes, parce qu’il était artiste, où
il cherchait de nouveaux styles, il la travaillait au corps-à-corps la
Suzanne-Shakira ! Ah ! Ben… Aujourd’hui, parce que ça s’efface pas, y
a de la lecture, quand on fait le tour ! Des têtes de morts… A bientôt 110
ans… Des gueules de pitbull, des poignards, des signes maoris ou chinois, des
« fuck la police » … A bientôt 110 ans… Des tatouages, faut vraiment
avoir rien à foutre dans la vie ! Remarquez, c’est moins compliqué que de
travailler son intériorité ! Oui ! Elle a aussi du piercing ! …
Bientôt 110 balais… Un anneau dans le nez ! Des boulons dans les tétons.
Pour le reste, son gynéco à tout retiré parait-il ! Sans la
prévenir ! De toute façon, elle a plus de souplesse, pour vérifier !
Quand on lui a mis la pile cardiaque, on
lui a proposé de lui dégonfler les lolos, qu’elle avait de marque
Ferrari ! Ouais… Heu… Ses lolos, ses roberts, c’est un breton, Youssou
Bignioulec qui lui avait offert pour son anniversaire ! Son anniversaire à
lui ! Elle y tient comme à un trésor, un souvenir précieux
d’autrefois ! Tout comme ses lèvres en silicone !
Quand on lui a demandé ce qu’elle voulait
pour son anniversaire, ses 110 ans, elle a réclamé de pouvoir remettre son
string et d’avoir des prolongations de cheveux, à ce qu’y parait ! Ca sera
une belle fête ! Elle est en forme ! Elle sera dans le journal pour
la première fois !
Elle avait prévenu son monde, dans son
adolescence !
« Vous verrez ce que vous
verrez ! »
On va voir ! Elle est en forme !
Les infirmières disent qu’elle a toute sa tête ! Toute sa tête… Pourtant,
à la première question du journaliste qui hurlait dans son oreille, elle a
répondu :
Retranscription du 1er Avril
2010 de Serge Le Vaillant
Autrefois, et c’est pas si loin, la
grange servait à remiser quelques outils et surtout à stocker la paille et le
foin. Mais, depuis quelques années, le bétail, y n’aime plus le foin ! Le
bétail, y préfère les granulés et les protéines en poudres déshydratées et
la fiente de canard. Quant à la paille, elle est devenue tout aussi inutile
depuis une inspection sanitaire. Un jour, des gars et… Surtout une dame,
avaient déboulé de la préfecture et… Y z-étaient pas contents ! Mais
alors… Pas contents du tout de voir le bétail poser ses bouses allégrement
dans la paille avant de se coucher parfois dedans ! C’est vrai que ça
faisait pas propre la litière ! C’était pas plus hygiénique !
Ah ! Mais il a pris une très grosse amende pour ça ! Dis-donc !
On rigole plus avec la santé ! Depuis, il a refait la stabulation. Tout en
carrelage fuchsia ! Quand il met la lumière, t’as peur de rentrer et
de salir ! Tout juste si tu ne réclames pas les patins pour aller au cul des
vaches ! Ah ! C’est beau ! Ca éclabousse de lumière ! Et
puis alors musique classique en fond sonore et un peu de jazz le matin
pour la première traite. Toute une histoire ! Avec des pinces stérilisées
pour choper les trayons ! Là encore, une autre affaire ! Donc, la
grange était devenue comme qui dirait obsolète, comme on l’entend parfois dans
certains bistrots ruraux.
Alors le fils, j’veux dire le fils cadet,
Fernand, qu’est bien dégourdi, il a récupéré le lieu et même l’endroit dès son
plus jeune âge pour y faire des conneries ! Disait le père, comme de bien
entendu ! Parce que les pères, ils les connaissent bien les gamins !
Et tant que ça n’a pas fait le service militaire pour leur remettre les idées
en place, ça vaut guère les gamins ! Y a rien à en attendre, ni même
espérer ! Rien de correct ! Toujours à essayer de faire les malins en
imitant les vedettes de la tv, sans parler de la boisson et du tabac, là pour
imiter les vedettes locales ! Rien de bon j’vous dis ! Et puis alors
sale ! Ah ! Alors ça, l’adolescent aime le sucre mais il est
sale ! Y sait pas s’tenir ! J’vois l’mien. Ah ! Le mien, sa
philosophie, c’est que quand le linge est propre, c’est parce qu’il est
sec ! J’peux pas dire mieux !
On s’attendait donc à un joli foutoir
dans la grange au père Gandon ! Parce que tout ça se passe chez les
Gandon, ceux de Boursault-neuf-Moutiers ! Le père Gandon qui avait pas
inventé la machine à accorder les castagnettes, mais qu’était pas né de la
dernière pluie ! Surtout, il était bien connu sur la communauté de
communes en arrondissements à cause de sa stabulation en faïence fuchsia !
Oh ! La stabulation ! T’aurais
mangé par terre, entre les pattes des vaches laitières tellement c’était
nickel-propre ! Au début, il avait quel âge Fernand ? Douze ?
Treize ans ? Et ben c’est bien l’âge des conneries ! C’est-y-pas
vrai ? Surtout qu’il était déjà bricoleur ! Le père Fradey, à qui on
n’avait rien demandé… Le père Fradey, quand il était en forme, c'est-à-dire
bien souvent après avoir gagné au 421, promettait qu’y aurait bientôt et
sûrement avant longtemps le feu dans la grange ! Et ben… Pas du
tout ! Pas du tout ! Comme quoi, je suis pas la seule mauvaise langue
du canton !
A douze-treize ans, le Fernand, il a
monté un club de ping-pong ! Deux tables, pour organiser des tournois, sur
des tréteaux, des planches de contreplaqué ou d’aggloméré… enfin… Du bois de
récupération ! En guise de raquette, ben… Tout ce qui pouvait tomber sous
la main ! Parce que c’est pas aisé de découper des disques à la scie à bois
dans de l’agglo ! Même pour des préados bricoleurs ! Quand ils y
parvenaient et quand ils avaient des balles, encore un autre cinéma, jusqu’à de
que cet empapaouté pas-même mondain Lucien Drouin, qui faisait mouchard dans
les bistrots et marchand de couleurs, qu’il en commande des balles ! Mais
mon vieux, heureux comme pas deux ! Douze-treize ans, c’est aussi l’âge
des vies de bonheurs ! Y te collaient des bouts de lino sur leurs
bastringues et vas-y de bon cœur ! Tac ! Tac ! Tac !
Tac ! Des journées entières !
Et c’est ainsi que ces gamins-là se sont
retrouvés en championnat sous-départemental et si vous me croyez pas, et ben…
C’est tout simple ! La coupe est derrière le comptoir à l’autre là !
Au petit bar de l’Escale en haut de la côte du Paradis ! J’peux pas
mieux dire ! Ca a bien duré deux saisons leur ping-pong dans la
grange ! Ah ! Ca, les anciens alentour étaient bien contents de les
voir occupés à c’t’heure à des bienfaits athlétiques ! Ouais !
Sauf les mères bien-sûr ! Ah ! Les mères ! Jamais contentes
comme rien que des femmes qu’elles sont ! Plus soucieuses de tenir
leur monde que d’applaudir au
sport ! Et pourtant, j’sais pas si vous avez remarqué ? C’est de plus
en plus du spectacle ! C’est-y-pas vrai ? Ah ! Ben ! J’en
connais moi qui ont découvert la musique en regardant à la tv, surtout la
première chaine en couleurs, en regardant les bandes-annonces pour les
matchs ! Ils mettent de la musique d’opéra mais… Là encore, ça
éclabousse ! Tiens ! Y a encore cet halluciné par inadvertance de Mathieu
Poilbout ! Pourtant un gars qu’a entrainé durant un temps les cadettes au
saut en longueur pendant des années ! Bref… Serviable et bénévole comme un
seul homme ! Ben lui, m’sieurs-dames, y regarde pendant des heures ses
équipes préférées se prendre des défaites, des tôles, des vestes comac, et ben,
encore une fois, il est heureux par accointance et y nous explique
fièrement :
« Oui, y z-ont perdus, mais y avait
du spectacle ! »
Devant la déroute de certaines équipes, Mathieu
Poilbout, il dit encore :
« Ah ! Oui ! Ils ont été
mauvais ! Très mauvais même ! Et pire que mauvais ! Mais… »
Car y a toujours un « Mais ! »
« Mais ! Y-z-ont mouillé le
maillot ! »
Quand il a dit ça, il a tout dit !
Et y se marre ! Et y postillonne parce qu’il lui manque une incisive du
haut ! D’autres également et surement, et on ne voit pas tout n’est-ce-pas ?
On va quand même pas lui inspecter les molaires ! Et ça ne nous regarde
pas ! C’était le même problème des gamins pour les mères ! Non pas
dentaire, mais sudoripare, dans le domaine des aisselles tout
particulièrement ! C’est ça un gamin à douze-treize ans ! Ca
pense qu’à faire des conneries, ça aime le sucre, mais ça tient pas en
place ! Ca joue, ça sue ! Ca sue et après ça pue ! Et les mères,
elles gueulent !
Le ping-pong, ça a tenu deux
saisons ! Quitte à me répéter mais… Puisque personne n’écoute ! Parce
que les drôles, dans ces âges-là, j’sais pas si vous avez remarqué, pourtant,
nul besoin d’avoir l’œil américain ! Mais, mon vieux ! L’épicier
arabe du coin, Maurice Lefranc, il le dit toujours à sa pratique féminine,
aux clientes accompagnées par leurs gosses :
« Mais ça y fait quel âge au
juste ? Oh ! Mon dieu que ça pousse ! J’l’aurais pas
reconnu ! »
Assujetti socialement à ces deux grandes
trouvailles philosophiques qui étonnent toujours, il ajoute :
« Tu travailles bien à
l’école ? »
Et le fameux et troublant :
« Qu’est ce que tu veux faire plus
tard mon bonhomme ? »
Fernand, ce qu’il voulait faire plus
tard, on ne le savait point et ça valait mieux sans-doute, sinon son père
l’aurait giflé car, à treize-quatorze ans, ça sue, ça tient pas en place, ça
pense qu’aux conneries, ça pense aussi à la chose ! Bien souvent ! Oh !
On l’observait de loin ! C’est pas le ping-pong qui pouvait nourrir son
homme ! Surtout à c’t’époque-là, où le grand champion se nommait
Secrétin !
C’est à ce moment-là que, comme beaucoup
d’autres, il a changé du tout au tout le Fernand ! De sportif volontaire,
il est passé presque du jour au lendemain, pour ça je peux pas me tromper, c’était
un vendredi ! La bourgeoise avait fait du merlan ! De sportif qui
mouillait le maillot, il est passé à artiste feignasse ! Avec trois autres,
dont un pourtant qu’était de l’harmonie municipale ! Le fils à Albert
Guilcher, Roland, qui jouait de la grosse caisse derrière les
majorettes ! Et bien évidemment, dans le groupe, il est devenu
guitariste ! Ils faisaient un boucan ! J’ai même l’impression que
c’était que du boucan ! Et tout ça se passait toujours dans la
grange ! Parce que personne, mais alors… Vraiment personne n’aurait aimé
avoir ça chez-soi !
Bien évidemment, maitre de la grange,
patron de séant, c’est le Fernand qui faisait le chanteur ! Le chanteur
qu’on soupçonne bien souvent le chef du groupe, le chef de bande et le
responsable de tout ! Alors que mon vieux, c’est bien connu ! Michel
Jaeger, chez les Rolling Stones, il a jamais eu son mot à dire ! Pareil
pour Brassens et Brel, qu’étaient les cinquièmes roues du carrosse ! Pour
Brassens, c’est son contrebassiste qu’écrivait tous les textes ! Et Brel,
c’est son batteur qui lui apprenait les gestes et les grimaces.
« Car il était
grimacier ! » Comme disait ma belle-mère !
Pas autant, pourtant, que le Fernand, que
j’avais aperçu à la kermesse votive de Sainte-Hypocrite, où son groupe faisait
la première partie du bal. Heureusement, seulement la première partie !
Parce qu’après, y avait Frédéric François et ça avait quand même une autre
tenue ! Ah ! Si Frédéric avait pas été là, j’serais pas resté !
Ah ! Ca, non ! Frédéric François et Ringo Willy Cat, J’ai jamais
manqué un seul de leurs concerts sur la communauté de communes ! J’suis
même allé voir le sosie de Ringo à la supérette, près de SuperInterHyper, où il
animait une opération promotionnelle sur les portes-fenêtres avec les frères
Bogdanoff ! Eux, c’était les vrais !
Ca n’a pas duré la musique. Ni dans
la grange ni ailleurs. Oh ! Ca pouvait pas ! Ils n’avaient rien pour
eux, et surtout pas de relations ! Un peu plus tard, dans la grange, il y
a eu la période mécanique mobylétière ! Les gamins avaient toujours les
ongles en deuil et y puaient l’huile de moteur ! Heu… A 17 ans, y
pensent toujours qu’à faire des conneries, et la propreté… Heureusement et par
bonheur, le service militaire est arrivé ! Mais j’le dis toujours !
Ah ! J’l’ai déjà dit ! Tiens ! Même cette nuit ! Ca les
remet d’équerre les gamins ! Enfin… Ca les remettait !
Puis, après encore, le Fernand est monté
à Paris, enfin… à Massy-Palaiseau, où il est devenu vendeur de bagnoles
d’occasion. Et puis, il est monté en grade. Il est devenu concessionnaire Simca
et Panhard ! Ce qui n’était pas rien ! Quand il est revenu au pays,
il était plein aux as ! Quand il a commencé à bricoler dans la grange, on
a espéré qu’il aiderait les jeunes du coin, qui sont bien désœuvrés, et puis y
avait ceux de Bazoges-sur-Surche, qui ont monté un club de ping-pong, et qu’ont
bien souvent du mal à payer les maillots ! Il aurait pu faire ça Fernand,
en souvenir du bon vieux temps ! Mais… Tu parles Charles ! Il a
investi dans la restauration de la grange, avec de la faïence fuchsia, mais…
C’est pas pour les jeunes ! Enfin… C’est pas pour les gamins ! Parce
qu’il a monté un club échangiste grâce au soutien de la femme du
sous-député-maire, qu’a le bras long, comme elle dit !
En tout cas, dans la grange, y a jamais
eu de bêtises de faites : On n’a pas le droit d’y fumer ! Tant pis
pour les mauvaises langues qui pensaient… Qu’y s’y feraient des bêtises !
Retranscription du 30 Mars 2010 de Serge
Le Vaillant
Il revient au pays après des années
d’éloignement. C’est qu’il était à Paris ! Ah ! Ca… quand il a dit
Paris, il a tout dit ! Il en a plein la bouche ! Paris ceci, Paris
cela, en fait, par sa marraine Jeanine, on sait qu’il demeurait à
Massy-Palaiseau ! Ah ! C’est sûr, tout de suite, sur le papier, y a
pas photo ! Y a pas de quoi pavoiser ! Ca n’illumine pas un insolite
de résider à Massy-Palaiseau ! Ou… tenez ! Pareil ! Le
Kremlin-Bicêtre ! Malakoff, rien que des noms de Ruskofs ! J’sais pas
ce qu’il leur avait pris lorsqu’ils ont baptisé leur commune ! Ca devait
être au moment de la mode du casatchok ! C’était formidable ça comme
danse ! Le casatchok, popularisé par Rika Zaraï ! Ca, au moins, ça
avait de la tenue ! Ca avait de la gueule ! Pas comme leur saloperie
de smurf, de techtonik, ou même le twist ! Ah ! Ben ! Le twist,
tenez, j’en connais qui se sont niqué le bassin avec ces saletés-là ! Vous
en faites pas ! Les cols de fémurs en inox ou en plastique pour Johnny,
oui ! J’sais pas d’où ça vient, j’suis pas un spécialiste, mais si je
l’étais je dirais : « Le twist ! »
Massy-Palaiseau !
Massy-Palaiseau ! J’saurais même pas situer ça sur une carte !
Remarquez, encore une fois, j’ai mon téléphone portable qui pourrait me le dire
mais… J’ai la flemme ! Y m’ont offert ça pour la fête des pères le
portable ! J’veux dire mes gamins ! James mon ainé et Whitney ma
cadette ! Ah ! Mon vieux, y z-étaient contents de m’offrir le
téléphone portable avec le GPS ! Y z-étaient contents mais pas la
bourgeoise qui s’était trouvée censément obligée de payer l’affaire ! Ca
m’a fait une belle surprise, surtout quand j’ai ouvert le mode d’emploi !
J’ai pourtant pas l’impression d’être la moitié d’un crétin lunaire, mais j’ai
rien, rien, rien compris ! Ah ! Faut être sorti de polyclinique pour
bien saisir l’usage de ces outils-là maintenant ! Mon téléphone portable,
ça fait appareil photographique, enregistreur et diffuseur de musique, y a des
jeux, comme la console vidéo, y a la tv, y a la calculette, le convertisseur en
euros, ça dit « Papa ! Maman ! » Ca fait même
internet ! Mais mon vieux ! T’as le monde entier au fond de la poche
avec ce machin-là ! J’y ai demandé à mon ainé, à James, si ça pouvait pas
faire aussi rasoir électrique !
« Pas con ! » Qu’y m’a
répliqué ! Et j’ai failli lui en retourner une ! Parce qu’à 13 ans y
fait ce qu’y veut, surtout tout seul dans sa chambre… et même ailleurs !
Comme disait mémé Ursule qu’était une bonne nature :
« On peut pas les tenir en
laisse ! C’est-y-pas-vrai ? »
Et c’est sûr que s’ils ont dans l’idée de
faire des conneries, et les miens, y doivent pas être les derniers pour ça,
mais j’veux qu’y soyent polis, et qu’y causent bien le français !
Pour moi, le téléphone portable, c’est
d’abord le téléphone ! Un point c’est tout ! Deux jours ! Deux
jours j’ai mis pour apprendre comment consulter les messages ! Une belle
connerie en vérité ! Et sur la messagerie, toujours les même
bêtises !
« C’est Raymond ! » J’dis
Raymond, ça peut être Marcel ! Alors ça dit :
« C’est Raymond ! (Ou Marcel)
Si tu peux me rappeler, t’es gentil, salut ! »
J’écoute ça, j’entends ça… Ca
m’énerve ! Parce que justement, ce sont des gars du boulot, et on rigole
pas avec le boulot ! C’est-y-pas vrai ? Faut qu’on en soye
conscients ! J’donne pas mon numéro à n’importe-qui ! A la maison,
sur le fisque, c’est déjà la croix et la bannière avec ces enflés qui ont des
portes-fenêtres ou des auvents de caravanes à vendre ! Je sais pas où
y-z-ont dégoté mon numéro !
« J’y suis Marie-Françoise Légrand,
attachie commerzial pour… Bravo missié Loubard ! Vis avis gagné… »
Non ! Avec mon portable, j’fais
gaffe ! J’donne pas mon numéro !
Donc, Raymond ou Marcel, à priori, y
m’appellent pas pour le plaisir de jacter pendant des heures ! Comme ma
cadette, Whitney… Des heures et des heures ! Comme dit sa mère :
« Pas grave ! Elle a le forfait
illimité ! »
Le forfait illimité ! Mais qu’est ce
qu’y inventent pour leur pourrir le cervelas ? Illimité ! Pour une
gamine qui n’a guère de conversation à table !
Enfin bref… Si les deux gaziers Raymond
et Marcel me bigophonent, c’est à priori pour de bonnes raisons ! Y sont
pas du genre à faire le voyage à vide ! Et bien entendu et comme de juste,
c’est pas pour prendre des nouvelles de ma température corporelle ! Mais
parce qu’y a eu de sprountz aux abattoirs Boulard et fille ! Ouais !
Boulard ! C’est de ma famille ! C’est mon oncle Séraphin de son
prénom de jeune-fille. Ou bien, c’est pour me demander un service ? En
tout cas, y a urgence ! Ils laissent pourtant jamais la cause de leur
appel, ni le pourquoi du comment ! Juste : « Heu… Tu rappelle
vite-fait ! » Et alors ça m’énerve, ça me travaille, je
m’interroge ! Et quand je téléphone pour savoir de quoi y retourne, c’est
jamais libre ! Et alors, je tombe sur leur boite vocale ! Ca me fout
les boules ! C’est comme les enflés qui disent : « Salut !
C’est moi ! » Et je me demande pendant trente secondes :
« C’est qui ? » Et les ceuss’ qui ne signent pas leurs
textos ! Ah ! Les braves gens !
Massy-Palaiseau !
Massy-Palaiseau ! J’ai quand-même cherché sur le GPS sur mon
portable ! Comme disait encore une fois mémé Ursule, qui était décidément
une bonne nature et pas plus conne qu’une autre, elle disait
justement : « J’suis pas plus con qu’un autre ! »
J’ai trouvé la gare de
Massy-Palaiseau ! Déjà pas si mal ! Vu que j’étais au comptoir du
p’tit bar de l’Escale, en haut de la côte du Paradis, à une heure humide où le
carrelage peut devenir glissant ! Dans le coin de Massy-Palaiseau sur la
carte, j’ai trouvé Choisy-le-Roi et Bourg-la-Reine ! Ah ! Les pauvre
gens !
Toute la soirée ça les a fait rire au
p’tit bar de l’Escale en haut de la côte du Paradis, le long du comptoir !
Ca les a fait rire ! Choisy-le-Roi et Bourg-la-Reine ! Et même
derrière le comptoir, l’Olivier, le patron, qu’a fait ambulancier dans les
années 80 et dans l’porno, comme y dit, pendant les seventies !
Choisy-le-Roi et Bourg-la-Reine ! Il leur en faut pas plus pour les mettre
en joie ! Et ça vote ! Mal, mais ça vote ! D’ailleurs, toute
réflexion faite, c’est quoi, de nos jours, voter bien ?
Donc, y nous racontait… Je reviens à mon
mouton, c’t’à dire à Jean-Marie Poilbout, çui-là qu’est le fils à Gustave
Viguier ! L’ancien facteur, qui était très ami de l’œil gauche avec
m’sieur Poilbout ! M’sieur Poilbout René ! Et particulièrement ami
avec l’épouse de ce dernier ! Roberte Poilbout, née Gandon… C’est tout
dire ! Jean-Marie, il était le deuxième enfant de la ferme, qui se
transmettait surtout en ce temps là à l’ainé ! L’ainé, c’était
Mathurin ! Mathurin Poilbout, qui fait le porc hors-sol. Alors, dans ses
vingt ans, après son service, après son régiment quoi… Ses obligations
militaires comme on disait, Jean-Marie est monté à Paris ! Enfin…
Massy-Palaiseau, où il espérait devenir comique, car il imitait très bien
Patrick Sébastien ! Il imitait Patrick Sébastien quand il faisait Chirac
ou Bourvil… Oh ! Chirac, c’était pas compliqué remarquez… Suffisait de
lever les bras, de faire des V avec les doigts et de dire :
« Ecoutez ! En tant que maire
de… maire de… maire de Paris » Ah ! On le reconnaissait tout de suite
Chirac ! Ca faisait bien marrer dans les bals alentours quand
Jean-Marie imitait Patrick Sébastien ! Certains soir encore, y nous fait
Bourvil ! Y met ses bas de pantalon dans les chaussettes, y marche les
pieds dedans, en fléchissant les jambes, un galurin ou un torchon sur le piouf,
l’air con ! J’ai pigé le coup hein ? Moi aussi j’imite bien
Jean-Marie qui imite Patrick Sébastien ! J’fais marrer les mômes avec
ça ! Mais… Mes gamins, y reconnaissent pas Patrick Sébastien !
Oh ! Tempora, O ! Mauresque !
Il a pas fait le comique
Jean-Marie ! Il est entré dans la police nationale ! Ce qui n’était
guère enthousiasmant parce que de ce temps-là, ils portaient encore le
képi ! Ah ! Les pauvres gens ! Ils avaient aussi les souliers
vernis en vraie peau de skaï, qui faisaient souffrir le martyr, surtout quand
on avait des cors, et qui pourrissaient les socquettes en nylon ! Et puis,
y z-avaient pas tous les droits encore ! Y devaient se tenir propres,
rasés de frais, les cheveux courts et être polis ! Il a beaucoup
souffert ! Y avait pas non-plus encore beaucoup de femmes policières !
Dans les vestiaires, pendant les gardes, c’était d’un triste ! Alors
qu’une présence féminine, mais… Mon vieux ! Ca t’illumine un
commissariat ! Particulièrement au moment de Noël ! Mais ma vieille…
(Ah ! Oui ! Parce qu’il y a pas seulement mon vieux !) Mais y a
que les gens du sexe faible qui savent décorer un poste de police avec trois
guirlandes, avec du papier crépon autour du gnouf et des boules dans le bureau
de l’adjudant ! Ils se le disaient toujours d’ailleurs et y z-en convenaient
aisément avec les collègues ! Ah ! Oui ! Entre-eux, ils
disent : « Les collègues », de peur d’user du confrère ou du
consœur ! D’ailleurs, ça doit pas être français surement, de dire
consœur !
Il en a vu Jean-Marie ! Il la ramène
à l’heure de l’apéro et à l’heure de la retraite qui a sonnée bientôt !
Retraite bien méritée qu’il vient donc passer aimablement sur la terre de ses
ancêtres en Tarn-et-Saône. A l’entendre, il en a fait plus que Navarro,
Maigret, Marie Pervenche et Poulidor !
Poulidor ? Bah ! Il a pas
tourné dans une série policière Poulidor ? Autant pour moi !
« Autant pour moi ! »
Comme ils disent encore ! Ou : « Affirmatif ! » ou
« Positif ! » Ah ! Elles vont être belles les
régionales ! Ah ! Non ? Elles sont déjà passées ! Elles
étaient belles ! Y en a plus beaucoup qui se dérangent pour de bêtises
pareilles ! Plus envie d’être pris pour ce qu’on n’est pas !
Donc, à la retraite, monsieur, comme les
petits chiens qui pissent pour marquer leur territoire, monsieur nous parle de
Paris, de la tour Eiffel, de l’Olympia, des Folies Bergères où il est allé une
fois, puis surtout des enquêtes, des crimes… Y peut pas tout nous dire, mais
quand-même : Des assassinats terribles dégueulasses ! Ah ! Les
pauvres gens !
Et puis, on a appris comme par inadvertance
et toujours par sa marraine, qui peut pas le blairer, qu’il a surtout mis des
prunes sur les pare-brises ! Qu’il a fait cramer son carnet à
souche pour participer aux quotas imposés par certains et pour plaire au
gouvernement ! D’ailleurs, les mêmes, à la retraite, y nous racontent
Paris, pas Massy-Palaiseau ! Paris !
Il a pas fini de nous saouler ! De
se saouler ! Nous en Tarn-et-Saône, on préfère les histoires de
l’Olivier ! Surtout celles qui concernent la période des seventies !
Retranscription du 26 Mars 2010 de Serge
Le Vaillant
Tous mes meilleurs amis… Qu’est ce que je
raconte ? Quelle phrase affreuse ! Tous mes meilleurs amis…
Mais ! Il y a pas de meilleurs amis ! Il y a des amis sans
distinction de préférences ! L’amitié, ça ne se compte pas sur l’échelle
de Richter ou celle de Beaufort !
Pas mal de mes amis… C’est mieux !
Pas mal de mes amis sont dans la médecine ! Eh ! Oui !
Oui ! Oui ! Oui ! Je sais ! Il faut y voir les signes
patents de mon inquiétude quant à ma petite santé ! Et quand je dis
inquiétude, là encore, je peux me reprendre ! Ma parano totale qui me
classe irrémédiablement parmi les hypocondriaques les plus atteints !
La plupart de mes amis sont médecins. Les
plus anciens m’ont vu tant de fois dans leur cabinet… Oh ! Le plus souvent
pour discuter de tout et surtout de rien ! Ils m’ont vu tant de fois qu’il
s’est tissé entre nous des relations au-delà de celles qu’entretiennent
habituellement un patient et son thérapeute ! A ce titre, il se trouvera
toujours… Il se trouve toujours régulièrement quelque esprit chagrin, une
envieuse, une pinailleuse, une ramène-sa-science pour me rappeler que ce type
d’amitié peut interférer gravement et négativement sur un diagnostic ou sur un
traitement ! Le médecin ayant son jugement faussé par trop de proximité et
de sympathie. Ce à quoi je réplique d’ordinaire :
« Ah ! Oui ! Ah !
Oui ! Ah ! Mais oui ! Mon camarade de la quatrième
internationale socialiste ! Ah ! Mais non ! Ma copine
végétarienne de cheval ! C’est que vous ne connaissez pas mes amis
toubibs ! Ils sont au-delà de ça ! Ce sont d’éminents
spécialistes dont rien ne peut entamer l’entendement ni l’expertise !
Pas même l’alcool ! »
Tiens ! Rémi ! Rémi par
exemple ! Rémi Viguier ! Mais c’est un gars, mon gars… Qu’est une
sommité dans son domaine ! Il est gynéco à Bazoges-sur-Surche ! Y
fait je ne sais combien d’accouchements par pleine lune ! Non !
Non ! Non ! C’est pas pour moi que je l’ai consulté au départ !
Un gynéco ! J’vous en prie ! On s’est trouvé par affinités communes à
la chasse aux chiens sauvages. Oui ! Cette engeance qui nous arrive de
l’aire d’autoroute chaque début d’été, on sait pas trop pourquoi ! Et
après, on passe la saison à tenter d’éradiquer cette saloperie qu’attaque les
poulaillers, les troupeaux de porcs et même les hippopotames ! Les
hippopotames que les écolos essayent de réimplanter sur les rives du
Souilly ! Vu qu’y en avait, autrefois, des hippopotames à ce qu’y
paraît ! J’vous parle du temps des dinosaures ! Et que y a pas de
raison qu’y en ait pas encore, aujourd’hui, des hippopotames ! L’écosystème !
Bref, les chiens sauvages, malheureusement, on n’arrive pas à les dézinguer
tous ! Malgré les pièges, la pâtée empoisonnée, les nonosses à la
mort-aux-rats ! Ah ! Mais… C’est qu’y sont pas bêtes !
Parfois, comme disait mémé Ursule
qu’était une nature puisqu’elle riait tout le temps, parfois, il leur manque
que la parole !
Ouais ! Oui ! Oui !
Oui ! Oui ! Bien heureux qu’y parlent pas en plus ! Pour
raconter quoi ? De belles cochonneries sans doute ! Parce qu’y s’en
passent de belles entre chiens sauvages dans le bois du Villardnard !
Au printemps, faut voir un peu mon vieux ce qui sort des buissons et des
taillis ! De l’épagneul mâtiné boxer, du caniche dalmatien, du basset
Terre-Neuve, du cocker bouledogue… Toutes les formes, toutes les tailles,
toutes les couleurs ! Et on doit supporter ça jusqu’à l’ouverture de la
chasse ! Le jour où y aura un problème avec un gamin, y pourront pas dire
qu’on les avait pas prévenus !
Donc, Rémi Viguier, le gynéco de
Bazoges-sur-Surche, c’est çui-là qui nous vaccine contre la rage et
je-ne-sais-plus-trop-quoi ! Moi, j’lui fais confiance ! Il est
toubib ! Son produit file quelques tremblements durant quelques jours
après l’ouverture de la chasse, mais… Tout rentre vite dans l’ordre ! Et
comme dit Raoul, qui fait garde-champêtre assermenté et voyance sur rendez-vous
uniquement : « Si ça fait pas de bien, ça peut pas faire de mal ! »
Y pas que Rémi que je côtoie ! C’est
très prisé la chasse chez le médecin en général et généraliste ! Oh !
Bah ! C’est connu ! J’crois ben que ça a été prouvé scientifiquement
en laboratoire ! Ils le disent pas tous ! Depuis qu’au journal
télévisé de 20 heures on nous explique que c’est pas bien et donc que c’est
devenu mauvais genre, la chasse ! Ben dis-donc, mais qu’est ce que ce
serait si on n’organisait pas des battues destructrices aux chiens
sauvages ? Mais… Ce serait l’invasion mon vieux ! Et heureusement
qu’on se dévoue pour réguler ! Mais les toubibs, ils font toutes sortes de
choses que la clientèle fait bien, fait mieux de ne pas savoir ! J’en
connais, tiens… J’en connais un pour pas aller bien loin… Jean-Louis !
Jean-Louis Poilbout, qu’est oto-rhino à Plourhinec-Kermaleur ! Et bien
lui, mon gars, y mange le gras de l’entrecôte ! Comme j’vous l’dis !
Tout toubib qu’il est ! Ah ! Moi, la première fois que je l’ai vu
faire, ça… Ca m’avait choqué ! Parce que je fais pareil et qu’en général,
j’hérite les rognures de l’assiette de mes voisins ! Mais de le voir
faire… Un médecin quand-même !
Mais, celui avec qui j’aime bien, celui
avec qui je préfère être à table, c’est Henri ! Ah ! Ah !
Ah ! Riton ! Comme de bien entendu ! Riton Troisdecq, qui lui,
est chirurgien au CHU de Boursault-neuf-Moutiers ! Ouais ! En allant
sur Issougny-les-Crémones ! A main gauche, bien sûr ! Ouais !
Riton Troisdecq ! Un grand type, la cinquantaine d’années, les tempes
vif-argent, un peu l’genre Christophe Dechavanne, mais avec la moustache à la
Brassens ! Si vous voyez un peu… Et toujours une bêtise à raconter !
Ah ! Cui-là, pour mettre de l’ambiance, tout chirurgien qu’il est… Et pour
déconner ! Au début, jamais j’aurais pensé qu’il était de la partie de la
chirurgie ! Ah ! Jamais ! Ah ! Ben ! Demandez à mon
épouse si vous me croyez pas ! Sans me vanter ! Alors lui, le Riton,
y manque tout ce qu’y veut à la chasse ! Je sais pas ! Y devrait
peut-être consulter un ophtalmo ? Tout ce qu’il veut y manque !
Toujours berdouille ! Y voit jamais rien ! Y tire toujours à
coté ! Mais alors à table, à table… Faut le voir éplucher une
crevette ! D’ailleurs, tout le monde regarde ! Couteau, fourchette,
il y mettra jamais les doigts à la crevette ! Ca prend du temps, mais
c’est un spectacle ! Quand t’as vu ça mon vieux… Quand t’as vu ça, tu peux
lui confier ton corps pour la science, tu sais qu’y aura rien de gâché !
Ce que j’aime bien, ce que j’apprécie
particulièrement, c’est quand y raconte ! J’veux dire… Quand y nous parle
de son métier ! Heu… J’veux dire… Heu… Quand il évoque certains cas !
Des cas incroyables ! Des maladies qu’on n’imagine pas ! Qui nous
font penser que tout-de-même, on est peu de chose ! Quand y raconte, ça
fait frissonner les dames ! Pourtant, faut voir les bestiaux ! Odette
Boulard, la secrétaire de mairie ! Toujours en bottes ! Ah !
Mais automne comme printemps ! Et j’veux dire, des bottes en
caoutchouc ! Toujours en tenue de camouflage et… Et le fusil dans le
coffre prêt pour n’importe quel imprévu ! A la table de l’amicale des
chasseurs il y a aussi Monique Michalon, qui elle travaille aux
abattoirs ! Ah ! Bé ! Des carcasses de demi-bœufs sur
l’épaule ! Ah… Elle,
faut pas que Riton lui explique longtemps comment il manie le bistouri, comment
il soulève les muscles, dégage les organes ! Ah ! Ben… Hé !
Hé ! Elle connaît à l’équarrissage ! Elle voit de quoi y cause !
D’ailleurs, il lui a promis que dès qu’y aurait une place dans son équipe, il
la prendrait avec lui au bloc ! Ca peut toujours servir ! Ouais…
Enfin, un peu plus tard, on lui a expliqué à Henri qui fallait pas trop
insister dans le compliment à son propos vu qu’elle est en ménage, la Monique,
avec Odette ! Et que chez ces femmes-là, mon vieux, la jalousie peut
atteindre des sommets ! Et y a le fusil dans le coffre ! Ah !
Ben… C’est pas des gens comme nous ! Mais il n’empêche, le respect de la
différence… Comme y disent au journal télévisé !
Quand il raconte à la table de l’amicale
des chasseurs, le Henri Troisdecq le chirurgien, quand il raconte, tout en
mangeant un artichaut sans y mettre les doigts, rien qu’avec les couverts, ah !
Faut voir comme ! Riton nous raconte, entre contes pour enfants et films
d’épouvante pour adultes, il nous explique les cas difficiles ! Les
malheurs… Tiens ! Comme un de ses clients dont l’entourage se plaignait de
son insensibilité ! Oh ! Ben lui, le mec, il en avait rien à faire
puisqu’il était insensible ! Mais sa femme, ses gosses, son filleul
commençaient à être très inquiets ! Et bien le type, il avait un cœur de
pierre ! Et bien emmouscaillé avec ça ! J’veux dire le Riton !
Et oui ! Bien emmouscaillé parce que… Un cœur de pierre, on l’opère ?
On l’opère pas ? Au burin ? Au marteau-piqueur ? On traite à
l’eau courante ? Mais… Pas simple ! Et la bonne-femme qu’avait un
cheveu sur la langue ? Hé ! Hé ! Quand elle était petite, son
père lui disait :
« Mais rase pas malheureuse !
Tu vas avoir la menteuse râpeuse comme les joues de papa ! »
Ah ! Mais… Plus on coupe et plus on
rase, plus ça repousse dru ! C’est connu ! Un cheveu sur la langue…
Oui ! Ca s’opère ! Vous le saviez pas ? Comme le poil dans la
main ! Poil dans la main… Dégueulasse ! J’dis ça s’opère… Pas
toujours ! Faut prendre ça à temps ! Car hélas, les progrès de la
science ont eux aussi leurs limites !
Un jour, à l’Henri Troisdecq, le
chirurgien, il lui est arrivé un zig pas commun ! Parce que les zigs
aussi, y sont pas raisonnables parfois ! Souvent ! Je sais bien
qu’y faut pas s’écouter ! En tout-cas, moi, hypocondriaque et bien au fait
des malheurs de la vie, grâce à mes amis médecins, à la moindre douleur, au plus
petit bobo, j’vais direct aux urgences, au CHU ! Ah ! J’y suis bien
connu ! Là-bas, vous en faites pas, j’suis reçu ! On discute
beaucoup ! Mais les zigs, y a des zigs y font pas comme-ça ! Ils
n’écoutent pas les journals télévisés qui expliquent que c’est la précocité du
diagnostique qui favorise la guérison ! En mangeant douze légumes par jour
au moins et en évitant le grignotage entre deux apéros ! Alors, les zigs,
y-z-ont un point de coté, y toussent, y vont pas à la selle… Y se disent :
« Ca va passer ! » Et trois semaines plus tard, rien de
neuf ! Et ils débarquent chez le toubib dans un état lamentable ! Toubib
qui ne peut plus que leur prescrire du PFG ! Du pompes funèbres
générales !
Ainsi, l’Henri il a vu débarquer un jour
un type qui, non content… C’est vrai qu’il était pas content ! Y avait de
quoi ! Non content d’avoir les cheveux en peau de fesse, il avait aussi
l’estomac dans les talons ! Huit opérations ! Dont une sans
anesthésie !
Et puis une autre fois, y nous a raconté,
un autre, qui un lendemain de réveillon… Est arrivé parce qu’il avait la tête
dans le… Oui ! La tête dans le… Qu’est ce qu’y s’était passé ? On ne
le saura jamais ! Ah ! Ben… Y a des curieux ! Ah ! Mais la
vie, c’est comme un ouragan ! Quatre heures au bloc pour lui dégager la
tête du… Le pire ? Le pire c’est que l’opération s’est très bien passée,
mais qu’une fois les voies naturelle dégagées et ses esprits recouvrés, le
patient est mort ! Mort ! Et vous savez de quoi ? De
honte !
Retranscription du 25 Mars 2010 de Serge
Le Vaillant
Elle m’a tout fait ! Enfin… D’un
sens, elle m’a rien fait par les faits en eux-mêmes ! En tout cas, elle
m’aura bien emmouscaillé la vie ! Pourquoi suis-je tombé amoureux
d’elle ? Qu’est ce que je raconte ? Raide-dingue d’elle ! Parce
que tiens ! Pour y réfléchir de nouveau et par extraordinaire et comme
toujours… Mais si elle l’avait demandé, j’aurais bouffé l’éponge qui sert pour
la vaisselle depuis des mois ! J’aurais bouffé les pantoufles de la voisine !
Pourtant, faut voir les arpions à m’dame Pilorget, qui souffre des cors et qui
a des squames violets depuis toujours ! J’aurais bouffé des insectes, des
vers de pêche à la cuillère, leur saloperie de kébab, servi avec les mains, qui
manipulent aussi l’argent et qui se grattent la tête, bien grasse, rapport
à la fumée du grill devant lequel tourne une bidoche qui ne voit pas souvent le
réfrigérateur ! Et les bouts de barbaque, de kébab, qui pataugent dans la
graisse du matin au soir ! Mais… J’aurais bouffé ça ! Mais j’aurais
bouffé tout ce qui me faisait horreur quand j’étais enfant ! De la
cervelle, de la tétine, des œufs saignants, des rognons, de la raie aux câpres,
du ragout de biquette, du pied de porc en gelée, du museau-vinaigrette !
Mais… Je pense vraiment qu’à
bouffer ! Me remplir la panse ! Voilà à quoi je pense pour lui
prouver mon amour, mon adoration, mon désir ! J’sais pas… Ou plutôt
si ! Je sais ! Tiens ! J’aurais vécu au moyen-âge, remarquez….
Hé ! Hé ! Hé ! On n’est pas loin d’y retourner ! Déjà, y
nous font abandonner la bagnole pour nous remettre sur des vélos !
Quoi ? Comment ? L’écologie ? Y a qu’à arrêter de se faire
rançonner de tous les cotés par les pétroliers et les ceuss’ qui se gavent de
taxes par là-dessus ! Parce qu’ils se gavent ! Et ils nous feront
boire leur or noir jusqu’à la dernière goutte avant de nous vendre la bagnole à
l’électricité, la voiture à l’huile de ricin, ou la voiture à eau ! Parce
que tout ça est déjà prêt ! C’est dans les tiroirs ! Dans les
hangars ! Mais d’abord, finir le pétrole ! Voila ! Ca, c’est
fait ! En plus, quand on songe que ça provoque des guerres !
Ah ! Les braves gens !
Donc, si j’avais vécu au Moyen-âge,
remarquez encore une fois, j’aurais surement pas été le chevalier blanc à
l’armure immaculée ! Fallait déjà être fils de ! Baron de
Pétaouchnoc ! Vicomte de la Tronche en Biais ! Fils de prince consort
et de la table qui recule ! Tout ce qui vivait déjà comme des parasites
sur le dos du bon populo ! Les cerfs, les pauvres cons, corvéables à merci,
pauvres empapaoutés sur lesquels nous pleurions en ouvrant nos manuels
d’histoire ! Ha ! Les pauvres gens du Moyen-âge ! Y payaient la dime,
c'est-à-dire 10% de leurs revenus ! Ca vous rappelle pas
quelque-chose ? Ils payaient aussi la gabelle ! C’était l’impôt sur
le sel ! Ah ! Les pauvres ! Ben dis-donc ! La gabelle,
il me semble que c’était l’ancêtre de la TVA, qui s’est répandue depuis sur
bien d’autres produits ! N’est-ce pas ? Quant à l’octroi, ah !
Les malheureux, y payaient l’octroi ! Aujourd’hui, ça s’appelle le
péage !
Au Moyen-âge, les seigneurs y se
foutaient pas de la gueule des pauvres gens en leur expliquant la vie !
Ils les protégeaient en cas de danger ! Ils les protégeaient !
Elle, elle m’a tout fait !
Tout ! Et en fait, rien de vraiment très positif ! Ah !
L’amour ! Ah ! Non ! Y a jamais eu d’amour entre nous !
D’abord, pour l’amour, faut être deux ! Et moi, j’étais seul à l’aimer,
dès l’enfance, à cause de… Ben… Ma brave dame ! Est-ce qu’on sait
expliquer justement ces choses-là ? Oh ! Y en a qui savent tout
sur tout ! Surtout les ceuss’ qui font pas grand-chose, sinon penser à
notre place ! Les ceuss’ qui vivent dans les hautes-sphères et qu’on
n’imagine pas trier le blanc de la couleur
devant la machine, avec un aspirateur ou un caddie en main ! Même pas la
tondeuse pour la pelouse ! Et s’il se trouve une tache de mayonnaise sur
le lino, c’est un loufiat qui se précipite à leur place pour nettoyer !
Hé ! Les mêmes, pourtant, toujours, qui nous expliquent la life ! Et
mieux, qui en fixent par lois et décrets les repères et pire ! Qui nous
racontent le pourquoi du comment du prix de la baguette et qui continuent
de réclamer dîme, taille, gabelle et octroi sans jamais dire merci !
J’ai toujours rêvé d’une autre vie !
Dès la cours de récréation, dès que j’ai vu Colette ! Ah ! Oui !
Elle se prénomme malheureusement Colette, née Boulard ! Oui ! C’est
une des filles… Une des filles de la ferme des trois tonneaux, près du bois du
Villardnard ! Y faisait du lait son père ! Y faisait du lait son
père… Non ! Son père faisait pas du lait… J’m’explique ! Je dois
m’expliquer par les temps modernes qui courent ! Son père avait une
vingtaine de vaches. C’est pas lui qui donnait du lait le pauvre… Ah ! Oui ! Faut préciser
aujourd’hui ! Pour les ceuss’ qui croivent que ça pousse sur les arbres
tropicaux le lait, avant d’atterrir directement dans les bouteilles !
Ouais… Maintenant son père, et depuis quelques années, il fait le porc
hors-sol ! Mais non ! Enfin… Ahh ! C’est une autre
affaire ! Peut-être une autre fois !
Rousse, les yeux verts comme de juste,
une blancheur opaline parsemée de tâches de son, une peau de satin, déjà en
mini-jupe dans les classes primaires avec des culottes de couleur, des culottes
qui mettaient en transe bien des gamins, quant aux autres déjà blasés et
brutaux, ils clamaient :
« Hé ! Colette ! Baisse le
capot, on voit le moteur ! »
J’ai été amoureux d’elle dès la première
fois où je l’ai vue ! Par la suite, je n’ai cessé de faire le malin afin
de mériter son intérêt ! Ainsi, j’ai dansé le tamouré torse-nu à la
cantine ! Sur une table ! J’ai récolté 100 lignes à faire ! J’ai
voulu péter la gueule à Raoul, le fils Gandon, qui lui avait tiré les
couettes ! Et j’ai pris une raclée ! Et encore une autre en revenant
à la maison parce que ma blouse était déchirée ! Surtout, j’ai pas arrêté
de faire le con pour elle, avec l’espoir qu’elle me remarque ! Je voulais
toujours être le premier ! Tiens… Par exemple le premier à cloper !
Pas des clopes, des lianes ! En toussant, dans le bois du
Villardnard ! Ca prenait pas bien les lianes ! On a fait un feu, et
le bois du Villardnard a cramé complètement ! Ca a fini par se
savoir ! J’ai encore pris une raclée ! Pour elle, enfin, toujours
pour l’épater, j’ai emprunté, j’ai piqué la mob du pater ! Mon père !
Une mob orange et j’ai fait le con comme de juste et comme de bien entendu sur
la place Emile Louis ! Essayer de faire du wheeling avant l’heure, des
dérapages incontrôlés… J’ai fini par me casser la gueule, j’ai perdu deux
dents, les genoux, les coudes et la gueule en sang !
Malgré les croutes sur le nez et sur le
front et les deux dents en moins, on s’est embrassé sous le préau ! Ouais ! On devait… Nous devions être en
CM2 ! Ca existe encore le cours moyen deuxième année avant d’entrer en
6eme ? J’me souviens, il fallait écrire sans fautes et savoir compter et
même sur ses doigts ! Car aujourd’hui, c’est même plus exigé pour le
baccalauréat ! Oui ! C’est le pourquoi de ma question ! Nous
nous sommes embrassés sous le préau, plutôt… Pluto, parce que Mickey n’était
pas encore là… Je l’ai embrassée ! Ah ! J’en pouvais plus ! On
me rétorquera, on me rétorque beaucoup dans ma life !
« A quoi que ça sert donc
d’embrasser ? »
Ah ! C’est sûr, à pas
grand-chose ! Quand on songe, en plus et en vérité que ce n’est là
qu’appliquer ses lèvres sur l’endroit où l’autre mange ! Heurk ! Y a
pas de quoi rêver ni pavoiser ! Embrasser quelqu’un à l’endroit où il
mange ? Berk ! Du monde joli et propre ! Elles vont être belles les
régionales ! Ah ! Non ! Elles sont déjà passées !
Elle a pas bien aimée, Colette, que je
l’embrasse, là, par où elle mange ! J’me souviens, j’avais pris une
claque ! Ca s’appelait pas encore du « Happy Slapping ! »
mais ça chauffait déjà bien les joues, surtout en public ! Elle voulait
pas de moi Colette ! Colette Boulard ! Elle m’trouvait con, bête,
idiot, moche, gros, sale, bon à nib, bon à lape, bon à rien ! Fils de
rien, sinon d’alcolo même pas mondain, communiste libéral, gueule de con,
gueule de raie, parti de pas grand-chose pour arriver sûrement
nulle-part ! Elle m’a tout fait ! Elle m’a tout dit
aussi surtout !
« Raté ! Enflure ! Gosse
de pauvre ! Minable ! Salopiot ! Gueux !
Miséreux ! » Plein la gueule ! J’ai pris plein ma gueule !
Et finalement, voyez-vous, ça m’a aidé ! Ca m’a forgé, en quelque-sorte,
comme une carapace ! Et ça a poussé mes ambitions ! J’me suis dit, et
j’étais encore gamin, j’étais loupiot, j’étais drôle :
« T’en fais pas ma fille !
J’m’en va t’en remontrer ! »
Et c’est à c’moment-là que j’ai eu dans
la volonté de réussir brillamment dans mes études pour devenir policier !
Ah ! La honte pour elle ! Nous étions ados ! Au night-club, au
Roule-roule, à la sortie du bourg, à main-gauche bien sûr, par extraordinaire,
il arrivait qu’elle accepte un verre ou danser un slow ! Alors, j’y
glissait dans l’esgourde que j’allais devenir policier ! Et ben, elle
s’marrait ! Elle s’foutait de ma gueule ! Elle sortait avec le
fils Rollin, çui-là dont le père était Raoul Charcutier-traiteur ! Ou
alors, elle sortait avec le gars Montsigny, dont la mère était
Plombière-Chauffagiste-Zingueuse ! Ou bien, elle s’laissait draguer par
Thierry « Titi » Viguier, dont la marraine tenait la buvette chaque
année pour la kermesse votive de Sainte Hypocrite ! Bref… Que du beau
monde ! Les bourgeois du coin ! Et pour elle, je restais un
minable ! Voué à l’échec !
J’suis pas devenu policier. J’ai raté le
concours à cause de la récitation et de la table de multiplication par 2 !
Alors j’suis été vigile à SuperInterHyper et puis avec l’ancienneté, comme je
me tenais à carreaux, loin des syndicats, j’ai monté en grade et je suis
été chef des vigiles ! Et v’là-t-y pas qu’y a peu, j’retrouve
Colette ! On me l’amène dans mon bureau où j’ai mes vidéos pour surveiller
le magasin ! Elle avait piqué du museau-vinaigrette ! Une barquette
de museau qu’elle avait planquée sous sa jupe ! Et me v’là tenu de la
fouiller ! Service-service ! Et on se retrouve assis, des années et
des années après… Et… Evidemment que je vais pas lui demander ses papiers !
Et évidemment que je vais pas la fouiller ! C’est pourtant bon le
museau-vinaigrette !
Alors, j’lui propose qu’on mange la
barquette ensemble. Elle accepte d’attendre la fin de mon service, qu’arrivait
dans l’heure suivante. Elle accepte ! J’ai toujours été amoureux
d’elle ! Du bureau, oh ! Moi, j’m’en fous du qu’en dira-t-on !
Du bureau, on est sortis main dans la main ! On a retrouvé ma voiture sur
le parking, malheureusement, j’avais laissé les phares allumés ! Y avait
plus de batterie, on n’a pas pu s’en aller !
Dans son regard, j’ai vu qu’elle pensait
toujours que j’étais qu’un…
Retranscription du 24 Mars 2010 de Serge
Le Vaillant
J’vous ai déjà dit qu’en haut de la côte
du Paradis à Issougny-les-Crémones, y a petit bar qui s’appelle l’Escale ?
Ouais ? Ouais ! Sûrement ! Sûrement ! J’ai déjà du vous
parler de ça ! Ouais ! J’me souviens pas précisément où et quand
mais… Oui ! Sûrement ! Et j’vous ai dit que le patron se prénommait
l’Olivier ? Oui ! Exactement ! Cui-là qu’a été ambulancier dans
les années 80 et qu’a fait dans le porno, comme y dit, durant les
seventies ! Ah ! Ben ! J’vois que vous le connaissez !
Mais… Est-ce que je vous ai déjà expliqué qu’il fait également bar de
nuit ? Ah ! Ah ! Ah ! Vous voyez que vous savez pas
tout !
Bar de nuit ! Je sais pas s’il a la
patente adéquate pour ça, et je ne veux pas le savoir ! Ca ne me regarde
pas ! Notre bon maire, du temps où il était encore lucide, sain d’esprit,
c'est-à-dire avant son accident de voiture… Notre bon maire ne l’ennuyait pas
avec ça ! Il disait sagement :
« Hé ! Qu’est ce que je vais
aller chercher des poux dans la tête à un type qui met de l’animation au
pays ? »
Oui ! De l’animation, parce qu’il ne
fait pas que bar de nuit ! Une fois par mois, à l’Escale, y a
concert ! Et quand je dis concert, c’est du vrai concert ! Avec des
vrais chanteurs, qu’ont de la voix et qui s’en servent pour dire des choses
intéressantes ! Pas comme ces imbéciles qu’on voit gesticuler à la tv et
qui font amis avec les gars de la politique ! Là, à l’Escale, on entend
des choses, sur les trois caisses qui servent d’estrade, on entend des choses
qui nous font poser des questions et qui font relever la tête aux français
moyens et qui leur donnent parfois comme des idées de réflexion qui seront pas
perdues pour tout le monde !
Qui on a vu à l’Escale
dernièrement ? Ah ! Ben ! Albert Mozart ! Albert Mozart, un
gros type, chevelu en abondance, un bon vivant, qui chantait torse-nu à la fin
tellement il avait donné de lui-même, tellement il s’était donné ! Et
Sylvain Gandon ! Ah ! Qui avait repris la belle chanson de Nana Mouskouri !
Là ! Comment c’est le titre ? Ca fait : « La la, la la,
lalalala ! »
Et c’est là que Florent Pagny, qui
s’appelait alors Gustave Chabanoud, c’est la que Gustave Chabanoud a fait ses
vrais débuts, avant de devenir Florent Pagny ! A chaque fois, l’Olivier
nous raconte comment il avait installé sa sono tout seul ! Et qu’il avait
vomi… tellement qu’il avait le trac avant le concert ! Hé ! Hé !
Maintenant qu’il a réussi, y connaît plus le petit bar de l’Escale ! Pas
même Issougny-les-Crémones ! Tiens ! J’suis même sûr qu’il s’rait pas
capable de placer correctement le Tarn-et-Saône sur une carte de France !
Où est-ce qu’il vit lui maintenant ? Ah ! Oui ! En
Patagonie ! En Patagonie ! J’sais même pas où c’est ! L’Amérique
du Sud ? Par-là ? Sombrero et carnaval ! Ah ! Non !
Mais… Les gens sont ingrats !
En revanche, Frédéric François est un
fidèle ! Ah ! Ben… Y vient au moins trois ou quatre fois l’an !
Et moi, je dis “Chapeau!” Je
dis aussi qu’il faut soutenir tous les petits lieux qui osent des
programmations courageuses ! De toute façon, au pays, je sais pas si c’est
un truc local ou générationnel, mais, les gens entre 30 et 70 ans, grosso modo,
ceux qui n’intéressent personne, sauf quand on a besoin d’eux, et ben, entre
ces gens-là et moi-même, on est bien d’accord, et pas uniquement avec les
chanteurs d’expression ! Non ! Non ! On est bien d’accord entre
nous pour mettre des bâtons dans les roues à l’ordre établi et au politiquement
correct ! A une époque décadente où tout ce qui est mal aujourd’hui était
bien hier et inversement, ah ! Oui ! Y faut mettre des coups de pieds
dans la fourmilière ! Y a que ça qui fera avancer les choses et les
êtres ! Ouais ! Comment qu’y dit René Durand en levant ses
béquilles ? Ah ! Oui ! « Ca va faire mal ! » Y
dit ça ! « Ca va faire mal ! » Comme dit Frédéric !
Non ! Pas Frédéric François ! Bien que très engagé, il va pas jusque
là ! Pas jusqu’à la révolution douce ! Pas encore, mais il y
viendra ! Non ! J’vous parle de Frédéric Boulard, comme de juste !
Le petit bar de l’Escale. Chansons-Cabaret
de temps en temps, dépôt de pain, y fait aussi les journals, bientôt internet à
ce qui parait, le « vèbe », un
peu de ptt… Hé ! Faut bien que quelqu’un le fasse ! Puisqu’ils
veulent plus le faire ! Restauration, enfin… Repas ouvrier le midi, articles
de pêche, location de vélos, de kayaks… Qu’est ce qu’il fait encore
l’Olivier ? Taxi durant les heures creuses, au forfait ! Qu’est ce
qu’y fait encore ? Ah ! Oui ! Recel ! Recel et vente de
braconnages à la saison : Lièvres, garennes, faisans, perdrix, un peu de
sanglier, y qu’à commander ! Du chien sauvage aussi ! Cèpes,
girolles, pleurotes, cuisses de grenouilles… Oui ! Il fait tout ça !
Pas feignasse !
Et vous voudriez qu’on dise du mal ?
Moi, j’appelle ça du service public ! un bosseur ! Un bosseur qui ne
nuit à personne ! Tout le contraire ! C’est ce qu’y dit toujours
l’Olivier :
« Ben ! Si y en a qui veulent
s’installer ici, des jeunes surtout, ben… J’suis prêt à les
aider ! Moi, j’ai rien contre la concurrence ! Et puis… Et puis…
Et puis j’ai pas quatre bras ! Faudra bien un jour que j’détèle ! On
n’est pas immortels, à ce que je sache, sans me vanter !»
Oui ! Y dit ça ! Et c’est
finement analysé et c’est d’une grande et d’une belle sagesse !
Maintenant, y a les autorités
incompétentes qui pourraient lui reprocher d’en faire trop, de pas tout
déclarer… Ouais ! Ouais ! Ouais ! Ouais… Ouais ! Ben en
tout cas, on serait tous bien malheureux si un jour y ferme !
Un jour, ou une nuit, puisqu’il fait bar
de nuit ! Je me tue à vous le répéter ! Un jour, une nuit, y faut
venir ! Viendez ! Y a une belle ambiance ! On n’est pas
nombreux, mais y a de la qualité ! Ca fait un peu genre de club !
Mais… Vous pouvez venir ! On est accueillants ! Surtout les filles !
N’hésitez pas ! Surtout les filles ! D’autant que vous ne craigniez
rien ! L’Olivier, le patron, il supporte pas qu’on ennuie les dames !
Il explique : « J’en ai trop vu dans les seventies ! »
Venez les filles ! Viendez ! C’est vrai qu’à part Nadine, la
secrétaire de mairie, la gente féminine est peu représentée ! Beaucoup
d’hommes ! Beaucoup d’hommes !
Souvent, y a Lucien Durand, qu’a
travaillé à Paris avant de revenir au pays ! Souvent, Lucien, Lulu comme
de juste, y met son béret en arrière et y lance à la cantonade :
« Y a que du mâle ici ! On se
croirait dans une boite gaye ! »
Auprès de lui, y le vieux François,
toujours en bleu de chauffe alors qu’il a 77 ans ! Comme quoi, y a pas
d’âge pour faire du sport et se maintenir en forme ! Il était mécano au
garage Troisdecq, sur la route du Châtelet, à main gauche, bien sur ! Y
bricole je-sais-pas-quoi dans son cabanon au fond du jardin. Y dit
toujours : « Faut que je m’occupe les mains ! » Manière de
pas succomber au bourdon !
Y a Joseph Michalon, qu’a jamais beaucoup
de temps ! Après le film ou l’émission de Sébastien, il a annoncé qu’il
avait plus de clopes, plus de cigarettes ! Hé ! Drogué criminel,
comme de juste ! y peut pas s’en passer ce malade dégénéré !
Non ! En fait, c’est un prétexte ! Un prétexte pour nous rejoindre à
l’Escale, une demi-heure, une heure ! Et puis nous, on joue à le
retenir ! « Ah ! Bande de chameaux ! J’vais me faire
engueuler ! » Et puis il expliquera à
Bobonne : « J’suis tombé dans une embuscade ! »
Ouais ! Ou bien, si c’est très tard, il dira qu’il a crevé un pneu !
Y a Maurice, Momo Viguier qui siffle sans
arrêt un refrain entre ses dents ! Il le sifflote plutôt ! Toujours
le même air, que personne ne reconnaît !
Y a Georges, Jojo, qu’on appelle aussi
Pressing parce que ses parents tenaient un pressing, une teinturerie à
Plourhinec-Kermaleur ! Oh ! Lui, y s’en fout ! Royal au bar
! Depuis qu’il a divorcé, il est de nouveau célibataire ! Il rentre aux
heures qu’il veut !
Y a le gars Michalon ! Ah ! Le
gars Michalon, j’lui parle pas beaucoup à çui-la ! Parce qu’on s’était
battus, un jour, en colonie de vacances, quand on était mômes, on devait avoir
9-10 ans ! Ca fait loin ! Oui ! C’est loin ! Je sais plus à
propos de quoi on s’était peignés… Ah... Oh ! La ! La !
A l’Escale, on est une quinzaine le
vendredi, le samedi soir ! Pas les autres jours ! Faut bien que
l’Olivier se repose ! Comme y dit toujours : « J’ai pas quatre
bras ! »
Chaque vendredi et samedi soir, vers 1
heure, parfois un peu plus tôt, s’il sent, il a l’œil ça pour sentir !
Oui ! Oui ! Et les oreilles pour voir ! S’il sent qu’y a des
gars qui sont trop chauds, trop chargés… Il aime pas la gueule à fioul, la
gueule saoule l’Olivier. En plus ça peut lui faire avoir des histoires, s’il
laisse, par exemple le gars reprendre le volant, j’vous l’ai dit ! Il a
pas besoin de ça et nous non plus !
Alors, une fois qu’on est réunis le
vendredi ou le samedi soir vers 1 heure, l’Olivier barre le rideau de fer, il
tamise les lumières du petit bar de l’Escale et alors, il nous fait une manière
de tisane avec des herbes du coin, dont certaines servent aux frères Gandon,
les jumeaux hétérozygotes du Pont-de-Surche, à réaliser l’élixir des
goitreux ! Bar closed, tisane à volonté pour tout le monde ! L’hiver,
y fait de la soupe de chien sauvage à volonté aussi ! Quand tout le monde
est installé, l’Olivier s’assoit sur le comptoir et y nous raconte dans la
pénombre, d’où n’émerge que des : « Slllrrrrp ! Slllrrrp !
Slllrrrp ! » Des bruits de chaises qui grincent… Y nous raconte… Quand
il était ambulancier !
Les accidents terribles, les plaies, le
sang, les blessés, quand il roulait à tombeau ouvert avec la permission des
flics sur des petites routes glissantes, tout en soutenant son passager sur le
brancard ! Il nous raconte les dernières paroles historiques des
moribonds :
« Quand c’est qu’on
arrive ? »
« Chauffeur, si t’es champion,
appuie sur l’champignon ! »
Y parait même qu’y en avait qui se
plaignaient !
« Vous nous emmerdez avec votre sirène ! Ca nous casse les
oreilles ! Coupez ça ! »
Y nous raconte aussi l’Olivier les
seventies ! Quand il faisait dans le porno comme y dit ! Deux fois,
après avoir demandé, vérifié que l’on était tous adultes et consentants, il
nous a projeté des films super8 sur une nappe punaisée au mur ! C’était
intéressant avec ses explications ! Ah ! Oui ! Du
reportage ! On voit tant de choses aujourd’hui !
Et puis ces soirs-là, y en avait qu’on
pas pu s’empêcher de poser des questions ! Ca l’a un peu perturbé
l’Olivier ! Lui, ce qu’il aime, c’est raconter sans être interrompu !
Y nous raconte aussi comment un soir à
Macao, il a rencontré Carlos Gardel, l’empereur du Tango ! Un toulousain
curieux qui a péri un peu plus tard dans un accident d’avion ! Y nous
raconte comment, tous les deux, ils ont écumé les bars, les boites de jeux et
comment y sont entrés à cheval avec Patrick Juvet dans la cathédrale de
Mexico ! Rien ne manque ! Ni le soleil, ni la lumière des cierges,
les geishas en génuflexion et le pont des soupirs ! Y nous raconte, après
avoir remis une tournée générale de tisane ou de bouillon de cuisseaux de chien
sauvage, comment il a satisfait 18 femmes dans la même nuit, dans les caves du
KGB à Stockholm, malgré les espions jaunes !
« Ah ! Bé ! L’asiatique
est souriant, mais fourbe ! Tout le monde sait ça ! C’est prouvé
scientifiquement ! Parmi les 18, y avait Nana la Montpelliéraine !
Une camerounaise qui prenait de l’élixir des goitreux au petit-déjeuner ! »
Y raconte, on l’écoute les oreilles
grandes ouvertes ! Les yeux écarquillés ! Ah ! La vie, c’est
comme un ouragan ! Il raconte ! Que voulez-vous que je vous
dise ? Dans les bars, y compris ceux de nuit, on n’a plus le droit de
fumer ! Et très bientôt, vous allez voir, on n’aura plus le droit de boire
et un peu plus tard encore, plus le droit de causer ! Et très vite, plus
le droit de penser ! Y peut pas y avoir que des boutiques de fringues, du
kébab ! Faut aussi que les patrons de bars fassent des efforts pour
survivre ! Et, j’en connais qui le fait, déjà !
Ouais ! Comme votre vie doit vous
sembler vide et fade ! Et si vous avez l’occasion, passez nous voir au
petit bar de l’Escale ! Surtout le vendredi, ou le samedi !