Dans le parc Gustave Chabanoud, alias Florent Pagny, enfant du pays

20 août 2009

Dans le parc Gustave Chabanoud, alias Florent Pagny, enfant du pays

(Retranscrit de l'émission sous les étoiles exactement du 25 Septembre 2008 de Serge Le Vaillant)

Autrefois, Autrefois… mais c’est pas si loin ! De mémoire de Grand-mère ! Au Chatelet-sur-Souilly, en Tarn-et-Saône, le square s’appelait le parc Staline. Et puis, il a changé de nom dans les années 50, j’sais pas trop pourquoi.

C’est devenu le parc Jean Chombier.

Jean Chombier, du nom du père du Maire d’alors ! Du père du Maire d’alors ! Me fais-je bien comprendre ? Je vais essayer de mieux articuler si j’y arrive. Du nom du père du Maire d’alors !

Jean Chombier était bien connu sur la communauté de communes pour être marchand de vin. Ah ! Ben, les vins Chombier !

Les vins Chombier, vous en avez forcément entendu causer ! Vous en avez forcément bu !

- La cuvée des moines
- Grappes au jus
- Le pouce en joie
- Le satin de l’estomac

Ah ! C’était des vins pas faits pour les snobs !

De l’étoilé avec capsule en plastique dont on faisait de si jolis rideaux de salle à manger ! Le savant mélange de picrates algériens qui titraient leurs 16°, avec un petit peu de rincette de la coopérative Tarn-et-Saônoise, et puis le savoir-faire du chimiste en règle, avec les lois européennes. Enfin… On peut pas tout se permettre non plus ! Heu… Sinon, ça se saurait ! Dans le temps, certains prétendaient qu’il y avait, dans certains Jaja du père Chombier de la pomme de terre, ça c’est évident ! De la betterave bien sûr ! Mais aussi de l’éther !

Ah ! De toutes petites doses ! ‘Infinétisimales’ comme on dit en Tarn-et-Saône. Mais, ça aurait expliqué en partie la présence d’iguanes à pattes d’écrevisses chez certains à qui on aurait du passer la camisole !

Enfin… Vous vous doutez bien mes pauvres amis que ce n’est pas pour avoir brisé quelques ménages ni pour avoir fait grimper les courbes statistiques des décès par cirrhose, ulcères divers, accidents de voiture, crimes passionnels qu’on a donné le nom de Jean Chombier à un espace où les enfants jouent ! Non ! C’est avant tout pour être entré très courageusement dans la résistance !

Effectivement ! Notre ami Jean Chombier est entré dans la résistance, courageusement, dès le mois d’Août 44. C’est à ce moment-là qu’il a fait sauter le poste d’essence au garage Boulard, obligeant de fait l’ennemi à pousser jusqu’à Plourhinec-Kermaleur pour faire le plein !

Cet acte de bravoure fit grand-bruit ! Pensez ! Deux kilos de dynamite ! Les cuves d’essence et de fioul ! Trois morts ! La femme Boulard, Germaine qu’elle se nommait, une jolie brune très piquante,

et puis ses deux enfants, deux petites filles ! Une satisfaction tout de même, elle n’ont pas du souffrir ! Et puis un honneur ! Mortes pour la France ! Un miracle ! Le père Célestin Boulard était avec son chien, durant ces entrefaites, au petit bar de l’Escale, en haut de la côte du Paradis, et lui a été sauf !

Lorsque René Chombier a été élu en 52-53, par-là, il a convaincu aisément, facilement son conseil municipal de donner le nom de son père, récemment disparu d’un incident cardiaque, le pauvre, durant une partie de 421. Ah ! Mais moi, je le dis toujours ! Ah ! Mais ! Je le dis toujours ! Y a un âge où il faut arrêter les conneries ! En particulier le sport !

Et puis, dans les années 60, c’est un communiste qu’a été porté à l’hôtel de ville. Un communiste ! J’vous demande ! Y en avait jamais eu beaucoup par ici ! Par peur du Kolkhoze ! Ah ! Dis donc ! Si on avait su comment ça tournerait ! Enfin… Bref ! C’était pas par politique politicienne, mais pour sanctionner le précédant que le communiste était arrivé.

René Chombier, qui on ne le savait pas, avait fait un discours sans dire de conneries, et à ce moment-là, le square s’est appelé, non plus du nom de son père, mais s’est appelé, avec l’arrivée des communistes, Youri Gagarine ! Le square Youri Gagarine!

Ah! C’est resté longtemps! Jusqu’à… Y a pas longtemps, quand notre bon maire, sans étiquette, sans parti pris, c’est à dire de droite dure, pure et dure, Joseph, Jo Boitroux a été appelé aux fonctions suprêmes de la commune.

Alors, à ce moment-là, le parc est devenu le parc Florent Pagny ! Du nom d’un gars du pays, Gustave Chabanoud, qui s’est fait appeler ensuite Florent Pagny, pour faire le chanteur dans les années 80 et 90. Oui, dans les années 90, il s’est converti au Patagonisme, puis après on a plus jamais eu de ses nouvelles. Plus jamais ! Oh ! Soyez pas tristes ! Y serait encore dans la carrière, sans inspiration, y serait capable de nous faire un disque consacré à Enrico Maccias ! A sa sauce !

Le square Gustave Chabanoud, alias Florent Pagny, enfant du pays, est entouré d’érables et de pins. Ca vous a une manière de fraicheur à la chlorophylle qu’est pas désagréable du tout ! Y a au fond une scène de béton qui présentait autrefois quelques orchestres de baluche, et non pas de baloches, comme le disent certains réalisateurs de radio de nuit, ça c’est autre chose…

Un orchestre de baluche !

Et puis, y avait aussi, à chaque fin d’année, de saison, des enfants costumés de crépons pour la fête des écoles ! C’est vrai qu’on y faisait ça avant que les gens, avant que nous, que les gens, soyons revenus de tout !

Y avait des kermesses,

des défilés dans des ambiances familiales, des atmosphères bon enfant ! C’était du temps où on se connaissait, où on se reconnaissait, et où on se respectait !

Aujourd’hui, on a le sentiment de mieux connaître Dechavanne et Cauet que ses propres voisins !

Sur la droite du square, un peu en retrait, y a deux grandes allées de boules, et puis une guitoune, une sorte de baraque, qui est en fait le bureau de l’Association Pétanquaise du Chatelet-sur-Souilly

la fameuse APCS dont bien des journaux se font l’écho des activités. Notamment les réunions de bureau, l’élection du président, du sous-président, du caissier, du secrétaire général…

Pour y entrer, faut avoir la carte d’adhérent. Y faut avoir ça pour pouvoir se pointer sans se tirer ! C’est le rendez-vous des retraités du coin qui, chaque après-midi y répètent le grand défilé printemps-été de la casquette même pas mondaine. La baraque susnommée ne fait ni vestiaire, ni douche collective. Mais, on peut s’y abriter par orage en fumant clope-sur-clope en vrais rebelles, et ceux qui sont pas contents de voir fumer des papys de 86 ans, et ben qu’y aillent sous la pluie choper la crève, la bronchite, le rhume et la vérole !

Comme disait ma mémé Ursule, qu’était une bonne nature :

- « C’est les plus gênés qui s’en vont ! »

Le square Gustave Chabanoud, alias Florent Pagny, enfant du pays, est entretenu par Sylvain Gandon, qui fait peur à tous les mômes.

C’est une sorte de petit être, avec la tête d’un qui serait le rejeton d’Henri Chapier et d’Arlette Chabaud !

D’Henri Chapier, il a la voix trainante du mec qu’on croit schlass, alors qu’en fait, il ne touche pas une seule goutte d’alcool, et je crois que c’est vrai ! Dans notre pays, y en a que deux seulement qui ne boivent pas ! Notre président, et lui ! J’peux vous dire que beaucoup les croient voir entamés alors qu’en fait, ils ne le sont pas.

Alors, lui aussi il a sa guitoune, le Sylvain Gandon, dans le parc. Alors là, c’est pas un palais ! J’crois bien qu’il l’a fait de ses mains ! C’est histoire de ranger les outils, d’entreposer quelques plans, et puis surtout de buller à l’aise en attendant la fin de la journée !

Sylvain, employé municipal. L’hiver, on le met à la voirie. Ce sera dur pour lui quand arrivera la retraite ! C’est que le parc, c’est sa famille ! Les arbres comme les gosses, qu’il ne gronde jamais !

Les mômes, y en a plein ! Ils déferlent dès la sortie des écoles. Ils s’amusent sur les toboggans, les balançoires, enfin… avant !

Avant, aussi, y avait des bacs à sable ! Oh ! Les bacs à sable… Des bouillons de culture ! Notamment à cause des deux clebs

de cet enflé de Serge Viguier, qui demeure pas loin de là, dans un appartement de fortune sur la rue Jacques Crozemarie !

Dès que la Star Ac’ est terminée, il descend en bas de survêt’ fume une ou deux clopes sur le trottoir, le bide en avant, la mine superbe ! Pendant la clope, il laisse les deux clebs vaticiner jusqu’au parc, à fleurir de leurs déjections le trottoir. Lui, y dit :

- « Y faut qu’ils respirent le bon air ! »

Les deux clébards pondent sans vergogne dans les bacs à sable !

- « Faut bien que nature se fasse ! »

Répond en se marrant le Serge !

Les drôles, les gamins, les gosses, ils viennent là dès le premier pas apprendre à vivre en société ! Se calter aux autres, apprendre à se défendre, ça rie et ça pleure, ça se castagne et ça s’aime !

Les mères se précipitent parfois, la lingette miracle en main, en se penchant, en se baissant, oubliant qu’elles sont des femmes pour prouver qu’elles sont des mères, elles laissent apercevoir des décolletés vertigineux. Ah ! Mon vieux ! Tu leur vois toute la religion ! Des hauts de cuisses, des coins de culottes qui vous font grimper la tension artérielle !

Mais ! Quel saligot oserait draguer une mère de famille accompagnée de son gamin ou de ses drôles ?

Ouais ! Oublier les pudeurs premières. Retrouver des copines pour papoter et bavasser en roue-libre, sans muselière. Plus de femmes, plus de mecs ! Au square, juste des parents.

Dans le parc Gustave Chabanoud, alias Florent Pagny, enfant du pays, on aperçoit parfois des princesses sur le gazon. De fraiches épousées en panoplie de pucelle, posant devant un photographe…

Le photographe ! Cet enflé de Maurice Montsigny ! Qui vend aussi du téléphone portable dans son magasin ! Non, mais je vous demande ! Près de ces reines d’un jour, des princes à la mine défaite.

Craignent-ils l’avenir ? Se doutent-ils d’avoir à penser et à dire plus tard :

- « J’aurais mieux fait de me casser une jambe ce jour-là ! »

Ou sont-ce les marques d’un enterrement de vie de garçon particulièrement émouvant la veille ?

Des princes coiffés, peignés, brushingués, par cette enflée de Paulette Coiffure, spécialiste du mulet ! Du mulet ! Cheveux en brosse devant, et longs derrière ! Engoncés, serrés, maladroits dans un costume de chez Roger mode de Paris !

Sur l’herbe du square, ils posent pour la postérité ! Pour se retrouver, au mieux dans un album blanc qu’on ouvrira tous les dix ans, après une engueulade de ménage, ou, pire, dans un cadre a perpétuité sous la télé !

Oui ! Visible en permanence ! Une photo dont on distribuera quelques copies à la famille, qui ne sera pas quoi en faire ! Mais dis donc, on a assez de bordel comme ça à la maison !

Le parc, c’est ouvert tous les jours, de 9h00 à 19h00. La nuit y paraît qu’y a des jeunes qui viennent tromper leur ennui à la mauvaise bière et au chichon, en fait de l’encens coupé de pneus râpés, à refaire le monde sur un banc où ils laissent des graffitis, pardon, des tags.