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Dépèches du Tarn et Saone
20 août 2009

Y racontait bien le vieux Louison ! Surtout après 8 rincettes !

 


(Retranscrit de l'émission sous les étoiles exactement du 24 Septembre 2008 de Serge Le Vaillant)

 

Je passais mes vacances d’été en Tarn-et-Saône.

le_pied

Jusqu’à mes 14 ans, parce qu’à partir de 14 ans, mes parents ont décidé que je travaillerai ! Cela pour m’apprendre la vie, et plus particulièrement la valeur des choses.

 

Ainsi, à 14 ans, j’ai cueilli des simples. Des simples ! Des herbes aromatiques ! Je pêchais aussi des salamandres

salamandre


et des grenouilles pour les frères Gandon, Saturnin et Abel, les jumeaux hétérozygotes, qui élaboraient avec l’élixir des goitreux !


les_freres_gandon


 

Les frères Gandon, j’allais pas chez eux pour l’odeur ! Ca s’est pas marié ! Ah ! Les pauvres gens ! Ca a fait une fortune en Louis d’or en creusant un peu plus le trou de la sécu via les cirrhosés, et après eux, le déluge ! Pas mariés, pas d’enfants, pas même de neveux ! Les Louis d’or enterrés on-ne-sait-où ?

 

Va y avoir de la terre retournée sur la zone !

 

En plus, faut voir comment ils sont fagotés ! Et puis y prennent jamais de vacances ! Et puis le congélateur est plein de chiens sauvages ! Ils ne dépensent rien !

 

Pas de portable, pas d’ordinateur ! Pas de vices ! Un vélo pour deux ! Un vélo de femme ! Y a plus de chambre-à-air à l’avant. Vas-y ! Roule sur la jante ! T’occupes ! Bref, à quatorze ans, j’avais récolté, j’avais péché pour eux. Et chaque jour, ils me donnaient deux ou trois pièces selon ce que je rapportais. Deux, trois pièces, oh ! Pas des Louis d’or ! J’avais le droit aussi à une rincette !

 

Une rincette ! Un verre de… Ah ! Pardon ! Fallait voir le verre ! Un duralex opaque avec des traces de doigts ! Une rincette !

elixir

Un verre d’élixir des goitreux ! 14 ans ! Mais ça m’a fait pousser le poil sous le nez et sous le menton comme me le promettaient les jumeaux hétérozygotes !

poils_menton

 

Ah ! Oui ! L’élixir des goitreux, c’était du brutal ! Ca bouffait les chaussettes ! J’rentrais à la maison en roulant des yeux de veau !

yeux_de_veau

L’année suivante, j’étais embauché plus officiellement aux abattoirs Boulard et Fille. A ébouillanter et gratter les hures pour faire du pâté de tête de porc ! J’bossais avec un ancien. Un vieux d’au moins 38 ans ! Charlot Pilorget. Mais, je vous en avais déjà causé ! Il avait été licencié pour vol. La direction avait calculé qu’il avait détourné en 8 ans près d’une tonne de pâté de tête ! Il le passait dans ses bottes, le soir après le boulot !

 

A 16 ans, j’ai été grouillot aux messageries Montsigny !

 

A 17 ans, j’étais moniteur au centre-aéré de Massy-Palaiseau.

 

A 18 ans… A 18 ans, à ce moment-là, je suis entré à l’état-civil de la Mairie ! Ah ! Peinard ! Rien à faire, ou presque ! En tout cas, s’il y avait quelque chose à faire, s’il y a quelque chose à faire, c’est le plus lentement possible !

 

Ah ! Ce sont les anciens qui m’ont précédé qui m’ont appris et qui m’ont transmis ça !

 


- « Doucement ! »

- « Lentement ! »

- « Fais semblant ! »

- « Tranquille ! »

- « Respire par le nez !

- « Cool ! »

- « C’est comme ça qu’on sauve les emplois et dans le couloir, râle tout le temps contre la surcharge de boulot, les cadences infernales ! »

 

C’est vrai que ça sauve des emplois ! Je fais ça depuis 28 ans

p_p___jeune_

! Vous en faites pas ! Le dernier qui m’a vu faire plusieurs photocopies d’un seul trait, il est pas jeune !

compteur_photocop

 

Une photocopie ! Et je retourne à mon bureau la déposer. Et puis je reviens à la machine en trainant des pieds. Si je peux, je discute avec une consœur. Une autre photocopie ! Je retourne au bureau la déposer.

photocop

 

Ah ! Oui ! De bosser jeune dès l’âge de 14 ans, ça m’a appris la vie ! Et plus précisément le goût des choses et leur valeur !

 

C’est ce que je dis toujours à mes gamins ! Ah ! Eux, tout leur tombe tout cuit tout rôti dans bec ! Mes deux drôles ! Steven (C’te vent),

steven

19 ans, pas une seule fiche de paie à son actif, et l’autre Brandon, 17 ans, qui veut arrêter de refaire pour la troisième fois sa seconde, pour devenir professeur de techtonik !

brandon

 

Et leur mère… Vous savez bien ! Qui leur passe tout ! Toujours de leur coté ! Ah ! Moi, c’est fini ! Alors là, j’ai démissionné ! Des heures, des journées entières ! L’ainé, il sort jamais de sa chambre, toujours devant son ordi ! Le cadet, mon cadet, sa musique de crétin à fond ! En jean serré qu’on croirait du bas de survêtement indécent, genre danseur de l’opéra ! Les cheveux plaqués, dégueulasses sur la tronche, lui non plus il quitte pas sa chambre ! Ou sinon pour venir morfaler en quelques minutes, debout dans la cuisine, quelque chose devant le réfrigérateur ! Y pue ! Y pue la sueur ! Tiens, finalement, je préfère qu’il ne s’assoit pas, qu’il ne mange pas avec nous !

 

Ah ! C’est sur, c’est pas ces deux là qui vont payer notre retraite !

 

Moi, personnellement en ce qui me concerne moi-même, avant mes 14 ans, avant mes 14 ans, je passais donc mes vacances d’été en Tarn-et-Saône ! Dans les faubourgs du Chatelet-sur-Souilly, vous voyez ? Après la pâture aux génisses, pardon… La pâture des g’nisses du père Bertin !

g_nisses

 

Y a là derrière un bosquet, et autrefois après le tas de fumier, deux maisons. Deux fermettes avec des dépendances telles que la crèche aux cochons, la guitoune des clapiers pour les lapins, la cabane au fond du jardin.

cabane_au_fond_du_jardin

Euh ! Dans celle de droite habitait mon parrain, Lucien !

parrain

Lucien Ledut qu’était bien connu sur la communauté de communes puisqu’il avait essayé de jouer de l’harmonica quand il était au régiment.

parrain2

 

Et puis à gauche… Et pourtant, c’était pas vraiment son bord, vu qu’il trouvait que certains, très à droite, étaient trop à gauche, à son sens ! J’me comprends ! Et lui aussi il se comprenait ! A gauche habitait donc Louison !

louison

Louison Goffard ! Le grand-père de Manu ! Mon copain, mon ami d’enfance !

manu

Ah ! Manu ! Avec Manu, on se l’est donnée ! Avant nos 14 ans bien sûr ! Ah ! On n’avait pas grand-chose, mais on savait s’occuper ! On savait s’amuser en ce temps-là !

grenouilles


 


- Aller pêcher des grenouilles dans le Souilly.

bord_du_souilly

- Faire des cabanes dans le bois du Villarnard où on fumait aussi des lianes très sèches ! Mais, jamais un cigare ne m’a procuré autant de contentement !

 

Qu’est ce qu’on faisait encore avec Manu ? Ben… On traînait ! Et puis quoi? On jouait quoi ! On trouvait toujours à s’occuper ! Hé ! De c’temps-là, on était dégourdis ! Une patate, quatre allumettes, en ayant un peu d’imagination, une patate, quatre allumettes on faisait un petit cheval ! Et puis on s’amusait ! Tagada ! Tagada ! Pendant des heures, à quatre pattes dans la basse-cour ! Ah ! Oui ! On jouait aussi aux chevaliers du Moyen-âge ! Un bout de carton, du papier argenté, des tablettes de chocolat, on se faisait des couronnes, et puis on trainait !

 

Quoi ? Ah ! Oui ! Donc, son grand-père, Louison. Louison Goffard y nous racontait des histoires.

louison5

Et il en connaissait un paquet l’ancien. Et puis surtout, il les disait bien ! Tous les soirs ! Oh ! Y faisait bien briller un peu ! Y réclamait deux ou huit rincettes avant de démarrer. Mais alors, quand c’était parti mon kiki…

louison2


 

Tout de suite après la soupe chez parrain et tata Monique,

vintage_lit

tout de suite après, j’allais à coté, à gauche donc, rejoindre mon copain Manu, mon ami Manu et son grand-père Louison.

louison3

Ah ! J’me souviens encore, comme si c’était hier, hein ? De la douce chaleur de poêle sur lequel nous faisions fondre des croutes de fromage ! Je me souviens aussi des chats ! Oh ! Y en avait combien des chats ? 5 ? 6 ? 7 peut-être ? Et puis y avait des portées ! Des portées que nous nous amusions à noyer dans le Souilly !

 

Oh ! C’était fait sans méchanceté ! Mais par nécessité ! On pouvait pas les garder ! On aurait été envahi mon vieux ! Ca sentait bon chez pépé Louison, qui vivait là, seul quand y avait pas Manu, vu qu’il était veuf. Ah ! J’ai jamais retrouvé une odeur pareille ! L’oignon frit ! La soupe de poireau ! La chaussette douteuse ! La chaussette de laine, tout ça mêlé aux relents des greffiers qui pissaient partout ! Oh ! C’était pas des gros pipis ! Y se seraient fait engueuler ! Et puis là, écroulé dans son fauteuil, dont un ressort avait transpercé l’enveloppe, Louison racontait des histoires !

 


- La femme découpée en morceaux devant son caniche par son amant qui l’avait mise ensuite à la consigne de la gare.

- Le guillotiné de la route qu’avait traversé le pare-brise, et la tête avait continué à parler au premier témoin qui s’était arrêté.

- Le manchot des deux bras qui avait violé plusieurs retraitées de la maison des sages, ainsi que le garde-champêtre !

- Et puis le fils maudit !

 

Ah ! Je l’aimais bien cette histoire là ! Le fils maudit qui avait assassiné froidement son père et sa mère, parce qu’il voulait aller au bal des orphelins !

 

Y racontait bien le vieux Louison !

louison4

Surtout après 8 rincettes ! Il oubliait pas les gestes, les grimaces des agonisants, le bruit des lames, les yeux des tueurs ! Y racontait aussi :

 

- La femme chauve qui trompait son mari avec la boulangère, et qu’on avait retrouvé, toutes deux, dans le four, tandis que le mitron commençait à enfourner les baguettes !

- 
Y racontait le réalisateur de radio de nuit alcoolique pendu par les pouces dans la forêt par une bande de gothiques sado-masos !

 

Louison, son imagination était intarissable ! C’était surprenant chez un gars qui vivait isolé de tout ! Sans bouquins, sans télévision, ah ! Ben tiens ! Si ! Justement ! Peut-être que l’absence de télévision avait développé quelque-chose ? Ben que ce n’était pas notre genre, après l’avoir entendu, Manu et moi, on était terrorisés ! On aurait bien dormi dans les bras l’un de l’autre très serrés !

 

Et moi, je tremblais encore lorsqu’il me fallait traverser les 30 mètres de nuit pour rejoindre la maison de parrain et de tata Monique !

 

Et pourtant, Manu et moi, on en réclamait des histoires ! Chaque soir ! Jusqu’au jour où on a découvert la collection de magazines au grenier !

grenier

Ca s’appelait « Détective ».

detective


 

Le magazine « Détective ». Un magazine culturel qui se préoccupait de faits divers sordides pour des lecteurs surement humanistes, généreux, pacifistes !

 

Alors, c’était là qu’il puisait son inspiration le Louison ? Les magazines, avec Manu, on les a dévorés ! Puis après, on ne réclamait plus à Louison de raconter ! On les connaissait les histoires !

 

Et puis après, puis vous savez, à partir de 14 ans, j’allais plus en Tarn-et-Saône, sinon pour travailler.

 

Quant à Manu ? Des nouvelles ? Oui ! J’en ai eu ! Oh ! Très vagues ! Des rumeurs le long du comptoir du petit bar de l’Escale en haut de la côte du Paradis.

 

On dit qu’il est devenu flic ! Ou voleur ! Ou pire !

enqueteur



 

 


 


 


 


 

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