On s'était pas vus depuis.... "Ouhhhhh!"
Retranscription du 18 Mars 2010 de Serge Le Vaillant
On ne s’était pas vus… Comment que je cause ? Si ma tante
Colette m’entend, j’vais me faire enguirlander, vu qu’elle est, comme elle le
clame, très pointilleuse sur le français ! Ah ! Ca, vous pouvez :
Lui passer la main dans le dos, et même la lui mettre au
panier ;
L’envoyer se faire cuire un œuf et même deux ;
Lui proposer un cassoulet en boite ;
Dire du mal, pis que pendre de tonton Bébert, son mari ;
Lui reprocher de voter blanc sans faire de manière ;
Evoquer la courbe de croissance ;
Lui annoncer : « Si tu vois Thérèse, dis-y qu’elle crève ! »
Lui faire lire le blog de Célestin Boulard ;
Avoir un nez à trier les lentilles ou à piquer les
gaufrettes, le cul bordé de nouilles, un pied-bot congénital, un coup dans
l’aile ;
Lui prédire des lendemains qui chantent ;
Lui faire écouter la rupture tranquillou de Michel Sardou ;
L’inviter à aller se faire voir chez plumeau et même en
Papouasie-Nouvelle-Guinée…
Peu lui chaut ! Ca lui touche à peine un sein et ça fait pas
bouger l’autre ! Mais dès que vous faisez une faute de français, ah ! Là… Et
vous croche dedans !
Au lieu de pérorer : « On ne s’était pas vus… » J’aurais du
annoncer : « Nous ne nous étions pas vus ! »
Pas vus depuis… « Ouuuuuh ! » Comme faisait mémé Ursule,
qu’était une bonne nature, lorsqu’elle refusait d’imiter le loup mais dès qu’on
lui demandait depuis combien de temps elle n’avait pas pratiqué la chose que
monsieur le curé interdit hors des liens sacrés du mariage, elle lançait : «
Ouuuuuh ! »
Nous ne nous étions pas vus depuis très longtemps ! Bien sûr
je vous parle de Monique, la fille, la cadette je veux préciser, la cadette aux
Gandon qui habitaient le taudis, juste après le bureau de poste à
Bazoges-sur-Surche, à main-gauche bien-sûr ! Oh ! Faites pas le déplacement
pour voir l’endroit, la mairie a tout rasé pour établir le 23eme rond-point de
la communauté de communes. C’est que notre bon maire s’est inscrit au concours
national de la municipalité qui aura le plus de ronds-points en son cadastre !
L’autre, çui-là d’Issougny-les-Crémones, petit bras sans étiquette,
c'est-à-dire à droite toute ! A fond les ballons, lui participe à l’autre
concours des mairies de France : Celle qui aura le plus de ralentisseurs !
Je sais pas par chez vous, d’ailleurs me le dites pas ! Ca
m’intéresse pas ! Faut pas s’intéresser aux histoires des autres ! Et puis,
j’irai pas vérifier ! C’est juste une tournure de phrase !
Je sais pas par chez vous, mais ici, en Tarn-et-Saône, bien
souvent, on se dit qu’il sont élus et payés, et bien payés sûrement, avec les
avantages, parce que la place doit être bonne, sinon, y seraient pas si
nombreux à la vouloir ! On se demande si y sont pas là uniquement pour nous
embêter l’existence ! Parole d’homme, d’abord, je le souhaiterais ardemment,
même si je l’espérais, je ne saurais pas vous mentir ! Vous êtes bien placés pour
le savoir ! Et bien rien qu’entre Bazoges-sur-Surche et
Boursault-neuf-Moutiers, deux kilomètres-sept au compteur de l’Opel Corsa,
j’peux pas faire mieux et être plus précis, deux kilomètres-sept : Dix-sept
ronds-points, 28 ralentisseurs ! Entre le tourne-et-vire et les soubresauts,
j’connais pas un môme, j’connais pas une femme qui ne vomisse pas en allant ou
en revenant de SuperInterHyper.
J’revenais des emplettes à SuperInterHyper, j’étais encore
dans la galerie marchande, où il y a tant de tentations pour un homme de 44 ans
encore bien de sa personne, quand il est rasé propre, avec un bon coup de
désodorisant pour les toilettes sous les aisselles, et je tombe nez-à-caddie,
caddie-à-nez sur elle ! On s’était pas vus depuis… Nous ne nous étions pas vus
depuis… Ah ! Mais alors, j’la remet, j’la reconnais tout de suite ! Monique
Gandon ! Comment dire ? Déjà, faut voir ça chez soi ! Faut être connaisseur !
Avoir la pratique ! Monique ! Elle était la plus belle fille de l’école
communale ! Et moi, je pensais déjà qu’à ça… Oh ! Hop ! Hop ! Hop ! Hop ! Hop !
Nous avions 8-9 ans ! Ne vous échauffez pas les esprits, sinon, on ne va plus
être copains ! Je ne pensais qu’à l’amour ! L’amour façon chevaleresque,
capable de porter son cartable jusqu’au coin de sa rue, bouffer une chenille
pour l’épater, péter la gueule d’un petit, en cour de récréation, pour lui
démontrer ma vaillance !
Malgré les produits congelés que je venais d’acheter, j’lui
proposais, à Monique Gandon, donc et da-dou-ron-ron, de prendre un verre dans
la brasserie de la galerie marchande, où la serveuse est serviable et surtout
très sympathique ! Souriante comme un portrait de Lénine ! Y a des loufiats,
quand-même, je vous jure sur la tête d’Emile Louis, qu’il meure tout-de-suite,
y a des loufiats qui oublient trop facilement leur condition dès qu’on leur
témoigne un respect légitime ! « Merci ! S’il-vous-plait ! Pourriez-vous ? » Ah
! Tout d’un coup, ils vous toisent, ils vous gerbent leur médiocrité en se
prenant pour des patrons ! Et on peut aussi entendre que si on n’est pas
contents, on peut toujours aller boire un drink ailleurs ! Ah ! Les enflés
ceux-là ! Ceux pour qui le client n’est plus roi et derechef les pauvres gens !
Elles vont être belles les régionales ! Elles le sont déjà !
Y a pas que certains serveurs acariâtres, y a aussi des
patrons qui sont tout particulièrement croquignolets, particulièrement
lorsqu’ils sont princes héritiers du décapsuleur et de la nénette ! J’ai pas
fait grand-chose à l’école, mais pour quoi faire ? Puisque mon père venait de
refaire le comptoir ! Ma voie était toute tracée ! Pour moi, la littérature, ça
s’est arrêté à Placide et Museau ! Et déjà, d’un compliqué, d’un chiant ! Mais
puisque par extraordinaire je joue au tiercé-quarté-quinté-plus et que je
regarde beaucoup la première chaine en couleurs, j’ai acquis une certaine
sagesse et une expérience certaine de la life qui m’autorise à expliquer la vie
à n’importe-qui et j’dis bien n’importe qui, vu ce qui traine dans mon bistrot
! Ah ! La morgue des fils de limonadiers, qui n’ont pu faire que reprendre,
tout comme d’ailleurs les fils de chanteurs, de comédiens, de présidents, le
président de l’académie de billard, bien sûr ! Sinon, j’vais finir par avoir
des histoires et… Je ne pourrai plus vous en raconter ! Oui ! Et je prie à la
mémoire de mon pauvre papa, qu’était ouvrier !
Et justement, le patron de la brasserie dans la galerie
marchande de SuperInterHyper, le bistrot qui s’appelle « Le Maryland » fort
intelligemment… Le patron, il explique à un bon gros, à un client qui se coiffe
au gras naturel, qu’il est un précurseur en son domaine, vu qu’il y a deux ans,
il a fait installer sur le comptoir à disposition de l’assistance publique et
tarifé à l’heure : Internet ! Internet sur le comptoir ! Y a pas deux ans !
Ben… Faut vivre avec son temps ! C’est-y pas vrai ? Internet ! Tu te rends
compte ? Alors que son père, qui la ramenait tout le temps et à tous propos,
n’avait pas été capable de le faire dans les années 70-80, qui étaient pourtant
celles de son vivant !
« Mais oui ! Faut savoir vivre avec son temps mon vieux ! »
Qu’y dit à l’autre ! L’autre client forcément convaincu, espérant une tournée,
tout en se tirant une crotte de nez avant de la déguster en gourmet.
C’est donc dans ce cadre bucolique que j’offrais un verre à
Monique que j’avions point vue depuis…« Ouuuuuh ! » et Ohhhh ! J’vous passe
l’état de la pratique de la clientèle environnante à 90% le portable collé
contre l’oreille !
On s’était quittés Monique et moi… Nous nous étions quittés
Monique et moi à l’âge de 8-9 ans ! Je gardais d’elle un souvenir merveilleux,
délicieux et inoubliable, puisque je m’en rappelais toujours ! Par les faits
malencontreux et en eux-mêmes, c’était un jour où nous avions « pistoche »,
comme nous disions, et où elle avait oublié par inadvertance le haut de son
bikini ! Ce n’était pas pour ce qui y avait à cacher, et justement, j’ai
toujours été un puissant imaginatif ! Ce qu’il n’y avait pas à voir, je l’avais
rêvé ! Et ainsi, j’étais tombé, on ne peut pas dire amoureux, mais en désir
infantile qui n’était pas puéril ! Et puis quelques regards, quelques mots de
billets échangés, nous nous étions tenu la main parfois, il n’en fallait pas
plus pour nous estimer fiancés jusqu’à la fin de l’année scolaire !
Et puis, elle était partie en camping, l’été à Bénodet, où
sa mère, une divorcée notoire, Maryvonne Viguier, je me souviens maintenant !
Sa mère se prénommait Maryvonne ! Les journals en avaient parlé un peu plus
tard parce que sa cousine par alliance de la main droite avait pratiqué des
fellations en piscine dans loft story sixième fournée, avant de devenir un
grand écrivain, et chroniqueuse de surcroit dans une émission de « accès prime
time ! » sur la première chaine en couleurs ! Au camping des Hortensias de
Bénodet, qui se nomme ainsi à cause des grands pins maritimes, Maryvonne
Viguier, la mère à Monique, avait rencontré ce qui allait devenir le beau-père
de la petite fille, un insolite, agent de l’EDF qui résidait en demeure à
Massy-Palaiseau ! Et du coup, Monique et sa mère y avaient émigré ! Si bien
qu’on s’était perdus de vue, comme disait m’sieur Pradel, ce grand philosophe,
expert en martiens !
Nous nous retrouvions après bien des années, autour d’un
diabolo bien blanc et un panaché de même, pratiquement du diabolo-bière !
Achtung et pericoloso spogiersi ! J’ai dit un mot interdit : « Bière ! » Si
bien que je dois préciser : « Avec modération ! Pratiquez une activité physique
régulière ! Evitez le grignotage entre les repas ! Fumer tue ! Testez
régulièrement votre dose d’abrutissement télévisuel et glissez adroitement le
bulletin dans l’urne ! » Elles vont être belles…
Et puis, après son diabolo, elle a pris une verveine
déverveinée ! Durant un mauvais quart d’heure, on s’est regardés comme des
réjouis de la crèche, des qui font la circulation rue de Rivoli, des réalisateurs
de radio de nuit, des péquins sous oxygène… On avait rien ou pas grand-chose à
se dire ! Elle m’a dit qu’elle était divorcée de famille, qu’elle prenait du
poids, qu’elle aimait bien les animaux… On n’avait rien à se dire ! Même plus !
J’le crois pas ! Après tant d’années ! Ca faisait… « Ouuuuuh ! » Et on n’avait
rien à se dire ! C’est vrai que j’suis pas un grand bavard non plus remarquez…
Ah ? Vous aviez déjà remarqué !