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Dépèches du Tarn et Saone
3 janvier 2010

Elle tient le snack, rue Gérard Majax à Bazoges-sur-Surche

(Retranscrit de l'émission sous les étoiles exactement du 10 Décembre 2009 de Serge Le Vaillant)

credit

Elle tient le snack, rue Gérard Majax à Bazoges-sur-Surche. Oui ! Exactement ! Près de l’école Hervé Villard ! Elle tient ça depuis… Oh ! Je sais pas ! Je sais plus ! Déjà, quand j’étais encore môme, ça existait ! A ce moment-là, elle faisait surtout du Pan Bagna, avec des miettes de thon, des olives, quelques rondelles de tomate et surtout beaucoup de mayonnaise !

pan_bagna

A cette époque-là, le jambon-beurre marchait très fort aussi !

jambon_beurre

Avec des bouts d’œuf dur, du râpé de Gruyère, et beaucoup de mayonnaise ! Le fin du fin, c’était le hot-dog ! Oh ! Rien que d’y songer, j’ai les papilles qui frémissent !

hotdog

De la bonne saucisse d’aggloméré de cochon ! Oh ! Que des bonnes choses ! Ah ! Que des bonnes choses ! Du maigre et du gras de porc ! Du plasma de porc… Du sang quoi ! De la farine de moutarde, lactose, protéine de lait ! Hummm ! Je n’invente rien ! C’est encore écrit sur le papier d’emballage ! Parce que depuis quelques années, ils sont obligés de le signaler ! Mais de mon temps, quand j’étais jeune, c’était pas demandé ! Alors, au snack rue Gérard Majax à Bazoges-sur-Surche, dans la saucisse, y devait y avoir encore d’autres bonnes choses qu’on ignorait !

La patronne du snack, rue Gérard Majax, c’est Marie-Paule Gandon !

la_vieille

Mais on n’a jamais dit Marie-Paule ! On l’appelle toujours la vieille ! « Allez ! On va chez la vieille ! » Ou alors on dit : « Tu reviens de chez la vieille ? » Pourtant, elle a pas du toujours l’être… Vieille ! Trente, peut-être Trente-cinq ans qu’elle tient le snack, rue Gérard Majax. C’est une pièce de 4 mètres sur 2, mettez-y la friteuse, le réfrigérateur pour les boissons, le comptoir qui fait étalage, un tabouret, un seul, la vieille elle-même, sa caisse, un balai… Dès qu’on est trois clients, on est serrés pire que des sardines ! En boite ! Elle fait repeindre tous les deux ans par le fils Boulard. Vu qu’il a d’autres chantiers, bien souvent en retard, et plus rentables, la plupart du temps, il ne lessive pas les murs du snack ! Il colle vite-fait deux couches de peinture direct sur la crasse ! Le jour où on se décidera à gratter, croyez-moi, y aura de quoi faire des rillettes !

le_mur

On a comme l’impression qu’elle ne ferme jamais la vieille ! Enfin… Son snack ! Y a toujours de la lumière, et la porte est constamment ouverte ! Elle crèche, elle habite au-dessus du snack ! Une chambre avec lavabo, un débarras, des toilettes à la Turque ! Pour prendre une douche, on pose un caillebotis sur le chiotte à la Turque. C’est bien pratique à ce qu’on sait ! Enfin… Si pour les toilettes on sait, parce qu’elle les tient à la disposition de la clientèle, pour le reste, ce ne sont que des rumeurs ! Régulièrement, y en a qui vont aux toilettes et qui allument la douche au lieu de tirer la chasse ! Aucun respect ! Ah ! Les pauvres gens !

chiottes

La vieille est peignée à la Mao Tsé Toung, à cause d’une pelade frontale qu’elle a contractée dans ses vingt ans. Je lui dois pourtant un de mes premiers émois sensuels ! J’voudrais pas paraître grossier… Ce qui est pas mon genre ! Pourtant, tout à l’heure, j’ai parlé de toilettes… Enfin… Là n’est pas le sujet ! Emois sensuels… Je n’étais pas le seul à ressentir une émotion particulière ! Je précise que cela concernait principalement les garçons, les gaziers pré-pubères ! C’était au moment où elle préparait les Hot-dogs ! Je vais pas vous faire un dessin en couleur, un dessin de nos fantasmes imbéciles, mais au moment où elle enfonçait d’une main ferme le pain sur la pointe chauffante, oh… Parlons pas de la saucisse qu’elle manipulait avec une dextérité qui ne devait rien à l’habitude ni à son professionnalisme ! Malheureusement, elle ne fait plus de Hot-dogs ! Elle ne fait plus de jambon-beurre, elle ne fait plus de Pan Bagna ! Elle fait du… J’vous le donne Emile ! Elle fait du kébab !

 

Elle n’a jamais eu les deux pieds dans le même sabot Marie-Paule Gandon, la vieille ! Elle a beau être peignée à la Guy Marchand, à la François Hollande, à la Laurent Fabius, elle a toujours su adapter son entreprise au goût du client ! Depuis quelques années, donc, elle sert du Kébab !

kabab_surche

Enfin… Du kébab à la mode du Tarn-et-Saône, et selon son savoir-faire ! D’ailleurs, elle ne trombe personne sur la camelote ! Lorsque les gens s’étonnent de ne pas voir le hachis de viande tourner sur une broche des heures durant, elle explique qu’ici, le kébab, c’est maison ! Sous-entendu, que c’est meilleur ! Que c’est du bon ! D’ailleurs, les gamins, qui sont de plus en plus exigeants, on le sait, c’est connu ! Capable de vous faire les pires comédies jusqu’à se rouler par terre en trépignant si on ne leur donne pas leurs exigences ! Ne vous en faites pas ! Ils ont pas prévu de payer nos retraites ! Les gamins, y vivent au présent ! Y veulent tout et maintenant ! Et si c’était pas dans leur goût, y viendraient plus chez la vieille ! Faut voir la file d’attente devant le snack le midi, et souvent au quatre heures, pour le gouter !

miam

Marie-Paule Gandon, la vieille, a donc sa recette de kébab maison et à la Tarn-et-Saônoise ! D’abord, elle a une combine avec les abattoirs Boulard et fille du Chatelet-sur-Souilly ! Parce que voyez-vous, on n’est pas toujours au courant, mais y a toujours des parties de bestiaux sur lesquelles la clientèle rechigne ! Ce ne sont pas les pièces du boucher ! Pour sûr ! De la peau, de la graisse récupérée autour des rognons, les pancréas, souvent bilieux, les tendons, les nerfs, le sexe ! Encore qu’y ait des amateurs pour ça ! Les oreilles, sauf celle des porcs qui est bien savoureuse et croquante ! Et qu’est ce que vous croyez qu’il y a dans le corned-beef ? Elle récupère tout ça, et puis elle coupe en petits morceaux, elle fait un hachis, elle cuit ça en rata, un rata qui bout 24 heures sur 24 dans une marmite avec des épices des pays exotiques. Elle sert une louche de la matière dans du pain avec beaucoup, beaucoup de mayonnaise et puis des tranches de navet pour rafraichir et pour éponger le gras ! Et puis du persil pour faire joli ! Venez voir ! Venez constater comme les gamins y sont heureux !

Et qu’est ce qu’on veut de plus sinon que les gamins y soient heureux ! Parce que les gamins, c’est ce qu’il y a de plus beau au monde ! Oui ! Comme disait mémé Ursule, bonne nature :

« On veut qu’y soyent heureux ! »

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Vérifiez comment on va encore les gaver pour la Noël ! Enfin… Chez nous, ils aiment pas trop la cantine ! Alors ils vont chez la vieille ! Pourtant, mon vieux, à l’école Hervé Villard, qui les mène jusqu’au brevet des collèges, qu’on appelait autrefois le BEPC, au collège, ils ont installé un self où y peuvent choisir entre plusieurs menus ! Enfin… Entre deux menus ! Chaque jour déjà, ils ont viande ou poisson ! Le poisson… Un jour, mon gamin qu’aime bien ça, il avait 11-12 ans, je le vois dessiner un poisson ! Ben ! Il était fier ! Et il était beau son poiscaille ! Un beau carré jaune-orange ! Y m’a dit :

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« Tiens papa ! Pour ta fête, un beau poisson ! »

 

Un carré jaune-orange ! Pour lui, c’était ça un beau poisson ! Sinon, y ont de la viande ! Du bifteck haché ! Ah ! Du bifteck haché, ils en ont je sais pas combien de fois par semaine. De la viande bien fraiche pour sûr ! Puisqu’elle sort du congélateur ! Et du poulet si tendre que tu peux manger les os sans te casser les dents de lait ! Et ben non ! Et ben non mon vieux ! Ils préfèrent le kébab de la vieille Gandon ! Et y rentrent dans des états les gamins… Les mères qui gueulent sans arrêt qu’elles ne peuvent enlever les tâches de graisse sur les habits ! Ah ! Ca ! L’enfant aime le gras ! C’est connu !

tache

A la cantine, c’est Jean-Louis Caillet qu’est chef en cuisine.

cuisinier

Pensez si je le connais ce pistolet ! Sommes allés en classe ensemble ! Il voulait faire le pilote de ligne ! Et puisqu’il se nommait Caillet, c’était pas possible ! Bien évidemment ! Alors, parce que sa mère était secrétaire de mairie, il a pu entrer à la cantine ! D’abord marmiton, à éplucher les légumes, enfin… A laver les gamelles surtout ! Puis après deux ans, parce que sa mère était secrétaire de mairie, il est passé chef ! Y se met le chapeau ! Chapeau blanc tout en hauteur ! Comme les bigoudens ! Notamment pour faire genre ! Lors de la Saint Modeste, patron des barbus à collier ! A cette occasion, il nous prépare un boudin purée pour 400 personnes ! Du boudin purée pour 400 personnes… Mais c’est du boulot ! Il se moque pas de nous !

boudin

Y a deux ans, je l’avais coincé devant deux verres de blanc aux cuisines, et pour fumer quelques clopes, parce que dans la salle des fêtes, c’est interdit ! La cibiche au bec, en train de tourner la purée avec une cuillère comme un aviron, je m’étais étonné, parce que des fois il m’arrive d’être snob, je m’étais étonné qu’il fasse de la purée à base de poudre lyophilisée ! De la patate en poudre et en sachet. Il m’avait répondu, pas fiérot, que ça ne pouvait être qu’ainsi ! Et que c’était pareil pour la cantine, pour les mômes, vu qu’il ne trouvait plus de personnel depuis bien longtemps pour éplucher les légumes !

« Mais mon vieux ! » Qu’y m’avait répondu.

« Entre Fernand Viguier qui ne saurait pas éplucher une carotte ni un poireau, la mère Chabassus qui sait même pas ce que c’est un économe et Paulette Bertin qui menace de se mettre en arrêt maladie dès que je lui cause de boulot, mais j’ai personne pour m’aider ! Alors les gamins, comme pour vous, j’leur fais du déshydraté ! C’est pas mauvais d’ailleurs ! Puisqu’il y a le contrôle sanitaire ! Et puis tu sais… T’éclates ton boudin en incisant la peau, tu mélanges le tout avec la purée, tu sales bien, un peu de moutarde, tu m’en diras des nouvelles ! C’est un chef-cuisinier qui te le dis ! »

Pour mon gamin, on paye encore la cantine ! Alors j’y ai dis :

« Un midi, j’te vois devant chez la vieille en train de morfaler, tu reviens à la baraque le sweat-shirt plein de gras, j’te préviens tout de suite ! Ah ! J’te préviens ! Hein ? J’te garantie que pour la Noël, t’auras pas le iPhone ! Tu te brosseras ! »

Non mais ! Un gamin qui refuse de manger du museau vinaigrette à la maison ? Mais dans quel monde vit-on ? Et ben dans le Tarn-et-Saône ! Où la vieille Gandon ne fait plus de hot-dogs, mais qui vit en concubinage notoire, malgré la différence d’âge, avec un grand chef cuisinier ! Jean-Louis Caillet !

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