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Dépèches du Tarn et Saone
10 octobre 2009

Le Gifleur assermenté

 

(Retranscrit de l'émission sous les étoiles exactement du 6 Octobre 2009 de Serge Le Vaillant)

paradis

Ce que c’est que de la vie ? Des fois on se demande et malheureusement, je ne pense pas que ça va s’améliorer ! Nous étions trois au petit bar de l’Escale en haut de la côte du Paradis samedi soir dernier quand il nous en est arrivé une bien bonne, une sévère ! Je dis que nous étions trois… Quatre avec le patron, l’Olivier, de plus en plus veau marin et pourtant toujours à se plaindre en briquant le même verre durant des plombes ! Et de l’autre coté du comptoir, coté clients, coté sportif, Eugène, Gégène Viguier, Jean-Louis Pilorget, et Raoul Boulard soi-même pour vous servir !

bibi

Pour vous servir… Sauf à l’Escale ! Le gros, il est quand-même payé pour ça !

l_olivier

Gégène Viguier, dans sa cinquantaine tassée, lui, il a jamais eu de veine ni de pot !

pilorget

Comme une mauvaise étoile au-dessus de son berceau ! Déjà, il est né dans une famille, fallait voir comme ! Ah ! Non ! J’vous raconte pas ça ! C’est une trop longue histoire ! Une autre nuit peut-être ! Sans doute ! Enfin, ils étaient 7-8 enfants et autant de chiens dans la barque, dans la Casbah ! Des chiens qui emboucanaient l’ambiance ! Le médecin l’avait dit à m’dame Viguier un jour qu’il était venu ausculter un nourrisson ! Il l’avait dit à m’dame Viguier !

 

« Les clebs, des poilus, velus en plus, les clebs, c’est pas sain pour les gamins ! Et puis faut arrêter de fumer m’dame Viguier quand vous donnez le sein !»

 

Le père, Fernand, qu’était taupier et qu’avait pas son pareil pour réparer les pompes à vélo confondait les prénoms des p’tits et le nom des clébards. Gégène a du être appelé Youki, Pompon ou Azore plus souvent qu’à son tour ! Ah ! Ca forge une personnalité ! Ca fait bien vis-à-vis des voisins ! Gégène, il voulait devenir arbitre de foot quand il était enfant. Il avait des capacités, mais ses géniteurs n’avaient pas les moyens de le pousser dans les études. Alors il a fini… Quel mot… Il a fini comme presque nous tous aux abattoirs où il est à l’atelier laverie de boyaux.

 

Jean-Louis Pilorget, il est plus jeune mais ça ne se voit guère.

second

Car il a eu un pépin y a une quinzaine d’années. « C’était arrivé quand ton pépin Jean-Louis ? 12 ans ? Ben.. Moi, je pensais 15 ! Comme le temps passe vite ! » Un matin, il s’aperçoit comme par un fait exprès qu’il n’a presque plus de clopes alors qu’il est déjà à la bourre pour le boulot. Alors, il conduit comme un dingue, jusque chez Saïd, à l’Oasis, le bar en bas de la cote Sainte Sournoise, patronne des femmes infidèles, à la sortie de Plourhinec-Kermarleur, il entre à l’Oasis comme un dingue, il prend ses cibiches et les paye comme un dingue, et y retourne à sa voiture comme un crétin. Au moment d’enclencher la première, et de reprendre illico son chemin, il retrouve plus ses souvenirs, y reconnaît pas le tableau de bord, y s’était trompé de bagnole ! Et dans cette bagnole-là, y avait un berger allemand sur la banquette arrière, qu’a plus voulu le laisser sortir ! Ma pauvre ! Alors-là, pour le coup, vraiment en retard pour le boulot !

 

Samedi soir, à l’heure du quatrième apéro puisque nous étions 4, et qu’on sait vivre, v’là un gazier qui arrive. Notez que s’il avait été de notre connaissance, je n’aurais pas dit un gazier, j’aurais dit son nom. J’aurais dit : « Tiens ! V’là Gérard Gandon ! Y va nous raconter encore de sacrées conneries ! On va bien se marrer ! » Non ! Là, c’était un gazier.

cravate

Un parfait inconnu et qui plus est un étranger. J’veux dire, un étranger au Tarn-et-Saône ! Ce qui revient au même ! Voyez ? Un étranger pas habillé comme nous déjà ! Ah ! Ca ! Ca commence à me plaire ! Les panoplies pour faire genre ou pour bien vous signaler qu’on est chez vous mais qu’on pense pas comme vous et que surtout on veut pas vous ressembler, alors que chez eux, c’est obligatoire d’adopter leurs manières ? Enfin ! J’invente rien ! Y a deux ans, pour la communion d’un neveu à Massy-Palaiseau, y fallait porter une cravate pour entrer dans le restaurant ! Moi, j’étais en sous-pull à col-roulé ! Ah ! J’étais propre ! Et ben, sous-pull ou pas, j’étais obligé de mettre une cravate ! Et sur toutes les photos où je figure, je suis parfaitement ridicule ! Cui-là qui venait d’entrer, salut la compagnie, portait le complet-veston et la cravate ! 40-45 ans, dès qu’on avait entendu sa main se poser sur la poignée de la porte d’entrée, fissa, on avait planqué nos clopes, et on les avait écrasées discrètement.

megot

Puis on avait pris la mine des faux-derches, des faux-culs, des hypocrites qui viendraient de bouffer un rat. On verrait encore la queue sortir, y diraient que c’est pas vrai ! Même l’Olivier, qu’est pourtant chez lui jusqu’à preuve du contraire, il avait la mine d’un moutard qui vient d’être pris sur le fait ! Les cerises volées dans les mains, dans le dos et le jus des bigarots aux commissures des lèvres. « Mais j’ai rien fait moi m’sieur ! » On a abandonné notre conversation, qui tournait autour du pourquoi et du comment de l’ovalité du ballon de rugby, afin de laisser le visiteur passer commande ! Un diabolo grenadine ! Ah ! Ah ! Alors-là, la vache ! Ah ! Dis-donc ! On est peu de chose ! Hein ? Passée la quarantaine et pas plus de jugeote ni de goût qu’un drôle de 8 ans ! L’Olivier, toujours aimable a proposé une paille ! Ah ! Ah ! L’autre, circonspect comme un bouton de culotte, humant la perfidie, a expliqué qu’il était de service !

diabolo

De service de quoi ? C’était-y un flic ? Un toubib ? Dans sa panoplie de concessionnaire Opel ? Non ! Après un temps, le temps de s’enfiler deux lampées de grenadine, il nous a informé qu’il était gifleur ! Gifleur ? Vaut mieux entendre ça que d’être sourd ! C’est-t-y pas vrai ? Décidément, on aura tout vu et on n’a pas fini d’en voir, croyez-moi ! Et de tout ! Il a sorti sa carte de patenté-gifleur officiel, selon la directive ministérielle du tant, parue au bulletin officiel du tant… Numéro réformé 3B2C. Et je me souvenais soudainement avoir vu un reportage à ce propos ! Chez ce merveilleux journaliste, qui est néanmoins demeuré simple et sympathique ! Jean-Pierre Pernaud ! Les nouvelles brigades des gifleurs, chargés de faire respecter la courtoisie au quotidien ! Personnellement, en ce qui me concerne moi-même à mon propos, j’avais pas été étonné ! Ca fait des années qu’on nous prend pour des gamins irresponsables ! Mangez ceci et pas cela ! Buvez ceci et pas cela ! Pub sur la bibine, mais, achtung ! Modération ! Les rappels à l’ordre permanents ! Mangez pas de gras ! Oméga 3 ! Des vidéosurveillances partout ! T’as pas honte de polluer avec ton vieux pot des années 80 ? Attends ! Moi, je vais te faire les poubelles ! Bien vérifier que tu sépare le carton du verre ! Et je vais te dénoncer si tu chauffes ta baraque à plus de 18°C ! Non mais on nous prend pour des gamins ! En général, ça vient des gens qui n’ont pourtant pas de leçons à donner à quiconque ! Qui roulent carrosse à nos frais dans les couloirs d’autobus avec le gyrophare et… Et qui nous vantent les mérites du vélo !


Très vite, pensez… Un gifleur ! Très vite, on a commencé à se foutre de sa tronche en biais vu qu’on aime plaisanter, jusqu’à ce qu’il mette ses gants en nous rappelant qu’il était de service ! Mon gars Jean-Louis Pilorget, la face déjà bien amochées par le Malinois a préféré filer à l’Espagnole, c’est à dire en jouant les castagnettes avec les chicots et les genoux. Mais, comme il avait oublié de saluer la compagnie, l’autre l’a rejoint et « Slap ! Pour t’apprendre la politesse ! »

baffe

Attention ! C’était pas une mandale ! Tiens, le genre de mandale, si tu la manques, rien que le souffle t’enrhume pour trois jours ! Non ! Sévère mais juste ! Une baffe quoi ! M’enfin ! T’en prends cinq comme ça, tu commences à avoir les joues qui brulent ! Ah ! On commence à comprendre la fuite des cerveaux ! Gifleur ! Mais, qu’est ce qu’ils ne vont pas inventer pour créer des emplois et, bien évidement, pas le droit de répliquer ! Parce que j’y songeais, au cas où il m’aurait expédié une claquouille sur le museau ! Sans sa carte d’assermenté, moi, c’est le taquet en retour ou le coup de boule direct ! Y buvait toujours sa grenadine ! Il avait grand’soif car il revenait comme un fait exprès d’une réunion de parents d’élèves où certains avaient élevé la voix à tort et dit beaucoup de conneries ! Il avait donc claqué quelques beignets pour calmer les esprits et redonner à la réunion sa sérénité !

 

Il nous expliquait que c’était pas un métier facile, deux ans d’école, et pas seulement apprendre à coller des torgnoles ! C’est que l’administration, la justice, les pauvres gens croulaient sous les dossiers alors mieux valait régler les petits litiges sur place et à l’amiable ! Il n’y prenait guère de plaisir ! Pourtant, il lui est arrivé de faire de belles rencontres dans son travail ! Des gens qu’il revoyait avec plaisir, qui allaient devenir sans aucun doute des amis ! Ah ! Bien sûr, il ne giflait pas les mineurs ! Ah ! Ca ! Non ! Vous n’avez pas le droit ! Des femmes ? Ah ! Bien sûr les femmes ! Car elles n’étaient pas les dernières à dire et à faire des conneries ! Gégène Viguier a lancé :

 

« Alors ça, v’nez chez moi, vous aurez de quoi faire des heures sup’ avec ma grosse ! »

 

« Slap ! Pour te rappeler aux règles élémentaires de la courtoisie ! »

baffe

 

« Et c’est nous qui paye ! » A soufflé Gégène en se tenant la joue.

 

« Et c’est toujours les mêmes qui trinquent ! » Ai-je ajouté ! « Les petits, les sans-grades, les obscurs ! Hein ? Sans vous offenser de vous demander pardon monsieur le gifleur ! Y a des gars de chez vous qui vont sur les plateaux TV ? A l’assemblée Nationale ? Voire plus haut ? Parce que c’est pas seulement des claques qui se perdent ! Mais parfois aussi des coups de pied au cul ! »

 

« Slap ! Slap ! T’avais qu’à dire Où-je pense ! » Il m’a répliqué ! « C’était plus agréable et poli pour les autres ! »


baffe

C’est joli la courtoisie, mais alors, ça plombe l’ambiance ! L’Olivier a lancé qu’on avait eu un beau mois de septembre ! Ah ! Ouais ! Ouais ! Ouais ! Une mouche volait et se posait de temps en temps sur la piste de 421. Gégène qui venait de s’en prendre une confirmait que « Oui ! Oui ! Un bel été indien en vérité ! » Tandis que l’autre finissait sa grenadine. Par courtoisie encore, j’ai proposé logiquement de remettre la mienne, Gégène m’a soufflé que j’étais rien qu’un sale collabo ! J’aurais pu le dénoncer ! Au moment de payer, j’me suis soudainement aperçu que j’avais oublié mon porte-monnaie !

 

« Merde ! »

 

« Slap ! »

baffe

 

 

 

 

 

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