« Notre publicité, c’est vous qui la faites ! »

(Retranscrit de l'émission sous les étoiles exactement du 1er Octobre 2008 de Serge Le Vaillant) Il travaille à la conserverie de Plourinec-Kermaleur. Oui ! Exactement ! Le grand bâtiment à la sortie du bourg en allant sur Boursault-Neuf-Moutiers. A main gauche bien sûr. Oui ! Au feu rouge ! Les conserves « Mamy Pilorget » ! Vous avez du apercevoir son visage patelin, à mamy Pilorget, sur les boites ! Au-dessus de la mention : « Notre publicité, c’est vous qui la faites ! » Et ben ! Tiens ! D’ailleurs, qu’est ce que je suis en train de faire ? Alors que… Bon ! Allez ! J’vous dis tout : En fait, je ne suis pas très client ! Pas très amateur des produits « Mamy Pilorget ». Bon, j’dis pas ! En pique-nique avec la belle-mère, un jour de pêche avec un copain, ou un jour de chasse, euh ! Le pâté de pieds de porcs dans la boite rouge que tout le monde connaît, c’est pratique ! Surtout depuis qu’ils ont mis la goupille décapsuleuse ! Et surtout, y a la nostalgie ! La nostalgie qui joue parce que le pâté de pieds de porcs de « Mamy Pilorget », c’est ce que j’emmenais dans ma musette quand je partais en maraude lorsque j’étais enfant ! Ah ! Chacun a ses madeleines ! Selon son goût et ses origines sociales ! Ils font toutes sortes de choses à la conserverie ! Essentiellement du porc ! Comme de juste ! - Des tripes à la mode de Marseille, c’est à dire à l’ail et au Pastaga - Du boudin à l’orange - De l’andouille Gandonnaise - De la hure au saindoux - Des racloutes comme de bien entendu ! - De la langue mayonnaise - Des pieds et de la queue de porc aux épinards - Des rillettes de Brest Donc, il travaille là. J’vous cause, bien sûr, de René Boulard ! Oui, çui-là qu’a une Kangoo verte, sans options ! Oh ! Il a une bonne place à la conserverie ! Il n’se plaint pas ! C’est sûr que ce n’est pas ce dont il avait rêvé quand il était plus jeune, vu qu’il ambitionnait de faire Nicolas Hulot, vu qu’il a toujours aimé l’aventure, la nature, l’émotion et le frisson ! Il aura 36 ans aux châtaignes. Il est marié depuis une dizaine d’années avec Fabienne. Fabienne née Viguier, dont le père était bien connu sur la communauté de communes puisque outre le taxi, il faisait de la musculation ! Ils ont eu un drôle il y a trois ans Fabienne et René. Un petit garçon qu’ils ont prénommé intelligemment Jackson. C’était pour faire plaisir à la mère de… Pardon ! Pour faire plaisir à la mère à Fabienne qui a des origines auvergnates. Ben voilà ! Vous savez tout ou presque ! Ah ! Si ! Quand-même ! Ils demeurent à Châteaudun-sur-Surche, le hameau en périphérie de Bazoges ! A main-droite bien sûr, quand on part sur le Super-Inter-Brico du Chatelet ! Le pavillon neuf où René a beaucoup fait par lui-même car est pas faignant et puis il s’était déjà mis suffisamment de crédits sur les reins ! Ah ! Mais les gens se rendent pas compte ! Et puis, c’est pas forcément facile pour des jeunes qui démarrent sans héritage d’autant que depuis que la belle-mère, la belle-doche, la mère de Fabienne… pardon ! La mère à Fabienne est veuve, ils l’ont accueillie chez eux ! On dira ce qu’on voudra. Une belle-mère à la maison, ça peut toujours rendre service ! Surtout quand on a des drôles en bas-âge ! Ca me passionne de plus en plus ce que je raconte ! Fabienne ne travaille plus depuis sa grossesse ! Une grossesse qui s’est pas très bien passée, puisqu’elle a été obligée de rester allongée pendant 4 mois. Comme elle travaillait chez Paulette Gandon, Paulette coiffure , et que dans le salon y a que la patronne qui a le droit de s’asseoir sur le tabouret roulant, elle dit qu’elle veut pas employer des feignasses. Et ben, alors-là, pour Fabienne, l’affaire a été vite réglée ! Il était pas question de rester debout pendant des heures ! Le salaire de René suffit à faire bouillir la marmite. Salaire complété par la retraite de la belle-mère. La belle-mère qui était routier autrefois. Jusqu’à son accident avec un télésiège. Et pourtant, elle en avait avalé du ruban ! Sans jamais de pépins. Elle aime bien, ça raconter la route, les copains, les parkings ! Elle raconte ça pour amuser les gens, pour les faire rêver ! Mais bon, elle est pas en verve tous les soirs ! Et pour René, c’est pas plus mal, vu que lui, il est très télé comme il dit ! Et quand quelqu’un cause, surtout une belle-mère qui raconte ses souvenirs de routier, hé ! Forcément, on manque des choses ! Et ont comprend pas tout à la TV ! C’est vrai qu’il est très télé René et Fabienne aussi ! Ca tombe bien ! Dès l’apéro, ça y va à la manœuvre ! Enfin… quand ils sont tous les deux ! Le poste marche à la cadence des hauts-fourneaux ! Presque du 24h sur 24 repas compris ! Ben comme j’vous le dis ! Repas compris ! Les attentats pendant le jambon-purée, les accidents au ralenti en même temps que les boudins saignants, la faim dans le monde, France comprise, durant les paupiettes, et la pub pour les détergents pour chiottes durant le dessert. La plupart du temps, René et Fabienne s’endorment abrutis devant la télé. C’est vrai qu’y causent peu devant, mais les programmes alimentent essentielles et rares discussions et surtout, c’est le sujet qui démarre toutes les engueulades ! Si Dechavanne dit : « Les femmes son mieux que les hommes ! » Ah ! Il devient grand philosophe pour Fabienne ! Si un candidat d’une émission bat une dame par la puissance de sa culture, René trinque à sa santé et rabat son caquet à sa douce ! Sinon, ça va ! Hein ! Oui ! Oui ! Ca va pour eux ! Merci ! Pas d’histoires ! Y voient un peu la famille pour quelques gueuletons, à dates fixes. Fabienne, elle, est très amie avec Lucienne Poilbout, une ancienne shampouineuse de chez Paulette coiffure. Son ami est éleveur de crevettes à Massy-Palaiseau. Ils passent deux fois par an quand ils descendent en vacances, et puis quand ils remontent ! Comme ce sont des randonneurs amateurs de nature, ils ont leurs habitudes au Cap D’Agde. Oui ! Ils aiment le typique, la solitude, les grands espaces vierges ! La classe ! Lui, René, il est très ami avec Emile, Mimile comme de juste, Emile Drouin ! Ils se connaissent depuis la maternelle ! Alors, t’as qu’à voir ! Y font équipe aux boules, en triplette, pour le grand tournoi de pétanque de la Saint Hypocrite. Emile est le pointeur, René, il serait plutôt placeur ! On rigole pas avec ça ! Y a aussi Jean-Claude, qui, comme dit Fabienne : « N’est rien qu’un Jean-Claude ! » Jean-Claude Bertoud ! Elle aime pas beaucoup que son mari le fréquente çui là ! Et encore moins qu’il l’invite à la maison, vu qu’il est vulgaire, et qu’il a un penchant sérieux pour la boisson. Et comme cette chiffe molle de René qui lui sert de mari se laisse facilement entrainer, elle a peur Fabienne ! Cet après-midi là à la conserverie, catastrophe ! Comme ça arrive de plus en plus souvent, hélas, puisque tout le monde s’en fout, et que plus personne n’assume de responsabilités, l’arrivage de porcs, et ben, justement, n’est pas arrivé ! Y a bien le contremaitre de fabrication, le fameux André, Dédé Drouin, qui s’est proposé d’aller aux abattoirs, qui sont pas si loin, à Issougny-Les-Crémones, tu parles ! D’y aller avec son pick-up, il appelle ça ainsi sa bagnole à deux places, quatre grosses roues avec une benne à l’arrière. Mais le patron a dit que c’était vraiment une bagnole de crétin quand on songe que le fameux Dédé, j’vous avais dit qu’il était fameux ! Qu’il a trois gosses ! Avec une bagnole pareille, à quoi ça lui sert ! Et même qu’il fait du tunning ! Paraissait surtout qu’aller chercher de la bidoche aux abattoirs avec c’te bagnole, c’était pas très législatif… Un truc comme ça ! Oui ! On transporte pas de la rognure et des barbaques sans matériel frigorifique ! C’est autorisé que pour les rouleaux de kébab ! Au soleil ! En vitrine ! Le patron a préféré mettre tout le monde dehors, manière de chômage technique, oh ! Ca arrive de plus en plus souvent j’vous dis ! Dans ces cas là, René passe avec certains autres au petit bistrot de l’Escale, en haut de la côte du Paradis, façon de discuter de tout et de rien, de mettre sa sienne et d’accueillir celle des autres. Mais, y a des jours où vaudrait décidément mieux rester au lit ! L’Escale fermée pour cause de taxi ! Hé ! L’olivier, le patron, qui faisait l’ambulancier dans les années 80, et d’autres choses dans les seventies, pratique aussi le taxi au forfait pour les anciens, qui doivent aller, souvent pour des raisons de santé, à Bazoges-sur-Surche, au CHU ! Les gars auraient pu poursuivre jusque chez Saïd, à l’Oasis, mais… puisqu’il y avait un débat fort documenté, comme d’habitude, sur la grossesse des travestis avec des témoignages toujours pudiques, comme d’habitude, chez Delarue, René a préféré rentrer ! Et bien lui en a pris puisque quelques surprises l’y attendaient ! Première surprise en arrivant à la maison : la télé éteinte ! Un moment, il a cru qu’elle était en panne ! Par bonheur, il l’a rallumée ! Et à ce moment-là, il trouve la belle-mère, la belle-mère prostrée dans le canapé du salon ! A un moment, il a cru qu’elle avait passé l’arme à gauche. Il la secoue, et en la secouant, il entend des cris au premier ! Il entend assez souvent gueuler sa femme pour reconnaître sa voix. Et, elle hurlait à la mort. Il court, dans l’escalier il crie j’arrive, et, de fait, il arriva dans la chambre. Sa femme était nue ! La Fabienne en nage ! Et visiblement, elle avait de la fièvre ! Le souffle court aussi ! Ce qui est un signe patent de fièvre ! C’est connu ! Quand elle voit son mari, incapable de parler, presque au bord, que dis-je ! Au bord des larmes et de la crise. Lui, il insiste pas, il lui dit simplement : - « J’vais appeler le toubib ! C’est qu’on ne plaisante pas avec la santé ! » Le téléphone est dans le salon, comme de juste ! Il redescend. En composant le numéro, il en profite pour enguirlander la belle-doche. - « Mais enfin ! Elle entendait rien ? Elle pouvait pas monter ? Elle peut pas monter maintenant, tenir la main de sa fille ? » Non ! La belle doche reste assise, prostrée dans le canapé. Elle explique qu’y a Jean-Claude Bertoud, là-haut, qui se promène tout nu ! Et elle veut pas le voir Jean-Claude Bertoud à poil ! René monte vérifier, et, c’est pourtant vrai ! Il le trouve ! Jean-Claude ! Il le connaissait gros déconneur, mais là, se balader à poil alors que Fabienne est malade, et en profiter pour faire peur à la belle-mère, ah ! Non ! Alors là, il n’en revient pas ! Pour un peu, il l’engueulerait ! Mais bon… il sait que c’est un gros déconneur, qu’il est pas méchant ! Enfin ! Quand même ! Là, c’est pas le moment !