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Dépèches du Tarn et Saone
7 janvier 2010

L’élégance du randonneur façon Jacky Boulard !

(Retranscrit de l'émission sous les étoiles exactement du 15 Décembre 2009 de Serge Le Vaillant)

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Nous nous rencontrons grâce au journal de Meurthe-et-Mayenne. L’éclair !

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L’éclair de la Meurthe-et-Mayenne. En dernière page, y a toutes sortes de petites annonces. Vente de voitures, de pommes de terres (très peu servies), de propositions d’achat de moitié d’agneau vivant et sur pied, le tout de particulier à particulier ! Demande de viager deuxième main ! Taillage de Haies… Et donc, y a aussi du sentiment !

Je sais pas ce qui m’a pris ! J’avais jamais fait ça de ma vie ! J’y croyais même pas ! Mais puisque j’étais bien seul depuis un moment… Allez ! Hop ! Je me fends d’une lettre et d’une photo ! Sincèrement, une seconde après avoir glissé l’enveloppe dans la boite à la poste, une seconde seulement après, je regrettais déjà ! Ah ! Ca m’a travaillé ! Ca m’a travaillé ! Pas au point de perdre le sommeil ni l’appétit ! Y ferait beau voir ! Mais, ah ! Oui-oui ! Ca m’a travaillé ! J’vous raconte ça ! Qu’est ce que ça peut vous faire à vous, dont l’existence est sereine et la santé radieuse ?

Son annonce disait : « Jeune femme, 36 ans, aimant la vie, le cinéma, la littérature et la randonnée cherche compagnon avec goûts communs pour faire la route ensemble ! »

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Bon… J’aime la vie ! J’aime le cinéma ! La littérature, faudrait que je m’y remette ! La randonnée ? J’ai rien contre les ballades ! Ouais !

Une semaine encore, et elle me répond. Je reçois une lettre. Suzanne. Suzanne Pilorget, 36 ans, divorcée depuis une dizaine d’années. Pas d’enfants. Enfin… Si ! Elle en a, mais une vingtaine car elle est institutrice. Elle m’écrit, belle calligraphie, encre violette, elle me remercie pour mon courrier, l’attention que j’ai bien voulu lui accorder, elle me raconte que pour le dimanche suivant, elle fera une randonnée avec de bons amis. Elle m’écrit qu’elle serait ravie que je lui adresse une autre lettre, afin de lui parler plus précisément de moi. Elle pense qu’après quelques échanges, nous pourrons envisager de nous rencontrer ! Prendre un verre, une tisane, une camomille, à la terrasse d’une brasserie.

 

Illico, j’me suis mis devant du papier à lettre. Illico ! Mais… Rien ! A sec !

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« Chère Suzanne… » J’peux pas écrire ça ! D’abord, elle ne m’est pas chère ! Pas encore !

 

« Suzanne ! Suzanne ! Suzanne ! »

 

Et puis plus rien ! Le désert de Gobi ! Lui raconter ma vie ? D’abord, si j’avais des choses à raconter, je ne lui aurais sans doute pas écrit ! Et puis, encore une fois, on ne peut pas tout délivrer à une inconnue ! D’ailleurs, qu’est ce qui me prouve que Suzanne Pilorget est bien ce qu’elle prétend être ? Parce qu’on voit de ces choses parfois… J’avais un collègue à l’atelier, Jean-Pierre Gandon, qui se faisait passer pour une fille sur le web pour draguer les minettes ! Et en plus, ça marchait !

Si ça se trouve, Suzanne c’est Robert, Marcel, Jean-Yves, ou tiens… Jean-Pierre Gandon ?

Mais non ! Elle, elle recherche un homme ! Un compagnon ! Et puis c’est une écriture de fille ! C’est évident ! Y a pas de doutes ! Durant 4-5 jours, j’réponds pas ! De toutes façons, c’est connu ! Les femmes, ça ne leur a jamais fait de mal de leur apprendre la patience, voire de se montrer détaché, indifférent ! Mais ! Si on semble trop attaché, mon vieux, elles en profitent ! Elles peuvent aussi prendre peur ! Durant 4-5 jours, je n’écris pas, mais je pense qu’à ça ! Ah ! Et puis je vérifie dans l’annuaire ! Suzanne Pilorget, à Boursault-neuf-Moutiers ! C’est la bonne adresse ! Ah ! Puis un soir, y me prend comme un coup de folie ! J’fais 20 bornes pour aller jusqu’à chez elle ! Je stationne devant son pavillon, et j’attends. Je mate, dans l’espoir de l’apercevoir, on sait jamais ! J’attends une heure et demie ! Rien ! Personne ! Ah ! J’en ai marre ! Allez ! Vingt bornes en sens inverse ! Ah ! J’étais content ! J’me suis vengé sur l’apéro, et je lui ai écris une bafouille !

Le lendemain matin, à jeun, en relisant la lettre, euh… J’me suis rendu compte du paquet de conneries que j’avais pondu ! Ah ! J’y étais pas allé avec le dos de la cuillère comme disait mémé Ursule qui était une bonne nature !

« Très chère Suzanne, Je suis grand, brun, je pèse 85 kg pour 1m79… »

Et alors ? J’aurais pu préciser aussi la taille de mes slips pendant que j’y étais !

« J’aime beaucoup le cinéma et la randonnée ! Il me plairait beaucoup de marché… »

Marcher… J’écris marcher comme un marché ! Une foire ! ‘é’ accent aigu ! Et puis, ah… C’est impossible à gommer !

« Il me plairait beaucoup de marché avec vous main dans la main ! »

Non ! Pas avec le dos de la cuillère !

Le cinéma ? J’avais même pas vu un film récent ! Qu’est ce que je vais lui raconter ? Et parlons pas de bouquins ! Hein ? Ah ! Si ! A la télé, j’avais vu Mimi Matty ! Ange gardien ? Je sais plus comment ça s’appelle ! J’avais même pas réussi à tenir jusqu’à la fin ! Qu’est ce que je vais lui raconter ?

Bon ! Arrive le week-end, et là, j’ai la bonne idée ! Je lui parle promenade ! Voilà ! Ca, fait type sain, amoureux de la nature ! Ca, ça leur plait aux femmes depuis quelques années ! Donc, je me souviens des virées quand j’étais gosse, et alors je fais une tartine là-dessus. Les bords du Souilly, le bonheur de respirer l’air pur, les papillons, les petits oiseaux, la douche quand on est de retour ! Ah ! Ben ! Le réconfort après l’effort ! Et je poste ma lettre ! Deux secondes après l’avoir mise dans la boite, je le regrettais !

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Mais pourquoi je me suis mis dans cette histoire ? ( Qui n’en est pas une d’ailleurs ! ) Suzanne Pilorget ! Elle est instit ! C’est forcément une intellectuelle ! Mais qu’est ce que je fais ? Je me mets toujours dans des situations qui… Qui sont pas pour moi ! Pourtant, c’est pas les femmes qui manquent ! Hein ? Par internet, on peut même en acheter sur catalogue ! Sans parler des chaudasses qui font de la retape ! Et les sites de rencontres ! Non ! Moi, il faut que je fasse à l’ancienne ! Echanges épistolaires, manières courtoises, conversations choisies et fleuries…

Trois jours ! Pas quatre jours ! Trois jours après avoir posté ma dernière missive, j’en reçois une de sa part en retour ! Dithyrambique, heureuse ! Toute gaîte ! J’avais bien joué ! Vous en faites pas ! Il est toujours en selle le Jacky Boulard ! Il est pas pourri ! Y se défend encore ! Après deux échanges, deux échanges de lettres seulement, la voilà qui me propose une rencontre ! Enfin… Nous n’en sommes pas encore au souper intime dans un restaurant à bougies ou aux galipettes sur une fausse peau de panthère devant la cheminée ! Non ! Plus sommairement, Suzanne me proposait de participer à une randonnée avec quelques-uns uns de ses amis !

Tout de suite, ça a été la panique !

Mais oui mon vieux ! Ca paraît simple la randonnée ! Vu de loin ça paraît simple ! Vous vous en moquez, vous ! Bien installés dans le confort de votre bonheur conjugal ou concubinagique notoire !

Qu’est ce que je fais moi, lorsque je vais la rencontrer Suzanne ?

Comment je lui dis bonjour déjà ? La bise ? Comme du bon pain ? Alors que l’on ne se connaît ni des lèvres ni des dents ? Je lui sers cinq saucisses de Francfort ? A la virile ? Je m’incline pour lui faire un baisemain ? Manières ?

Et puis je m’habille comment pour la randonnée ?

Et puis j’emmène un casse-croute ? Ou je débarque les mains dans les poches ? J’achète un sac à dos, œufs durs, bouteille de picrate, harengs saur, museau vinaigrette ! On partage ou c’est chacun pour sa gueule ?

J’en avais aperçu de loin des randonneurs quand j’étais allé en vacances à la montagne avec… Bouh ! Germaine ! Ah ! Les pauvres gens ! Qui prenaient des suées pour grimper jusqu’au parking du belvédère, ça leur prenait des heures par les petits chemins, et nous, avec… Pfff ! Germaine, à peine dix minutes en bagnole ! Les randonneurs ! Shorts, grosses pompes ! Ah ! Oui ! Faut que la chaussure tienne bien la cheville ! Mais j’ai ce qu’il faut pour les godasses ! Mes pompes de sécurité qu’on nous oblige à porter à l’atelier ! Elles feront l’affaire !

Le short ? En fouillant dans l’armoire, je retrouve celui en satin que j’avais lorsque je faisais encore du football ! J’ai pu rentrer une cuisse dedans ! Une seule ! Et encore ! Tout à craqué ! Le short ? Poubelle !

L’élégance du randonneur façon Jacky Boulard ! Mes brodequins d’atelier, un short : J’ai coupé les jambes d’un vieux jean, mais j’ai mal calculé ! J’ai coupé au ras des fesses, un peu comme Birkin dans les années 70 ! Ah ! J’étais sexy le gamin ! Pull, anorak, j’ai prévu le ciré ! C’est un pote qui bosse sur les chantiers qui me les donne les cirés ! Orange fluo ! Marques réfléchissantes ! De nuit, ça éclabousse dans les phares !

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Tout de suite, en tout cas très vite, j’ai compris que les autres, c’était pas des vrais randonneurs quand je les ai rencontrés ! Pas de short, et des chaussures de sport ! J’ai salué Suzanne en lui serrant la main, gentiment ! Elle était très émue de me présenter à ses amis, des quinquagénaires ! Y avait une ancienne aussi ! 70 ! Par-là ! Et ben dis-donc, avec elle, on ne va pas aller loin !

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Très vite, j’ai pris la tête de la troupe ! Ah ! Ah ! Ca, quand on a l’âme d’un leader ! Allez ! Trotte ! Trotte ma jument ! Vole ! Tu as des ailes ! 300, 400 mètres je leur ai mis dans la vue ! Malheureusement, j’ai eu ma première défaillance à l’orée du bois du Villardnard ! Ce bon-sang de crénom de jean qui me sciait les fesses et l’entrejambe à chaque pas ! Le début de mon chemin de croix ! Les autres ont fini par me rejoindre ! Quelques-uns m’ont demandé si j’avais pas froid avec mon petit short ! J’ai ralenti, je me suis mis dans la roue de Suzanne, j’en ai profité pour faire plus ample connaissance, enfin… J’ai essayé ! Pas bien causante ! Elle est plus loquace, si je puis me permettre, par courrier ! Une intello ! Je le savais bien ! Finalement, tout en continuant de ralentir le train à cause des douleurs fessières de moins en moins supportables, j’ai fini en queue de peloton avec l’ancienne : Rolande !

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Charmante au demeurant ! Et bien serviable puisqu’elle m’a passé le bâton qui me servait de canne ! Les autres ? Pas bien urbains, civils ni courtois !

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Lorsqu’on a fini de les rejoindre pour le pique-nique, ils avaient pratiquement fini de manger. Enfin… Moi, j’appelle pas ça manger ! Des fruits déshydratés, des barres chocolatées, des graines ! De la nourriture de piaf ! Et puis alors, chacun pour sa pomme, pour sa poire ! Ah ! Vous en faites pas ! J’ai sorti le kilbus, le claquos, le pâté de foie ! J’escomptais reprendre des forces ! Et là, au moment de se relever, mes jambes ne me portaient plus ! Mes pieds, aussi douloureux qu’une plaie béante ! Des cloques ! Des ampoules ! Y en a un du groupe qui s’est approché et qui m’a dit, j’sais pas pourquoi y se pinçait le nez, ça lui faisait une voix de canard imbécile :

« Vous devriez pas enlever vos chaussures, parce que les pieds y vont gonfler ! Et vous pourrez plus les remettre ! »

C’est ça ! J’ai pu les remettre ! Mais… Impossible de les lacer ! Je suis revenu arc-bouté, en serrant les cuisses, sur les épaules de Rolande qu’a bien voulu me soutenir, et qui m’a même porté sur son dos durant deux ou trois kilomètres !

Faut que je pense à lui adresser mes bons vœux !

Quant à l’autre, j’suis pas près de lui écrire !

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