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Dépèches du Tarn et Saone
3 novembre 2009

Solange révise son bac au Roule-roule

(Retranscrit de l'émission sous les étoiles exactement du 23 octobre 2009 de Serge Le Vaillant)

liste_bac

L’année dernière, elle était en Terminale. En Terminale L. L comme littéraire. De toute façon, elle a pas de vocation. Alors… Ce bac là ou un autre… Qu’importe ! Pas de vocation, mais de sacrées ambitions ! J’vous l’donne Emile, elle veut être chanteuse, mannequin ou comédienne ! Je sais pas ce qu’elles ont dans la peau dans cette génération ni ce qu’elles ont dans la cafetière ou le citron mais elles sont sacrément intoxiquées par la TV. Et les magazines aussi ! De temps à autre, lorsque la porte de sa chambre est ouverte, je jette un œil en passant. Oh ! Ma pauvre ! Un chantier ! Des sachets, des papiers de friandises partout, des fringues des sous-vêtements sales, des piges-moi-ça, dégueulasse ! C’est moche de dire ça d’une jeune-fille, de sa propre fille ! Surtout qu’elle passe un heure chaque matin à se pomponner !

elle2

A se maquiller ! Oh ! Là ! Là ! Là ! Là ! Faut pas gratter ! Ne serait-ce qu’un peu ! Rimmel, fond de teint, rouge à lèvres, mais quand elle est dans la salle de bain, j’entends pas beaucoup l’eau couler !

 

Donc, l’année dernière, elle était en Terminale L. C’est vrai qu’elle lit beaucoup ! Surtout du magazine ! Alors tous les magazines avec les vedettes en maillot de bain… Le vedettes… J’m’excuse, mais pour moi, et je suis peut-être et même surement un vieux con, mais le mot vedette signifie encore quelques chose !

people

Vous imaginez, vous, une couverture de ces magazines, de ces torches-cul, montrant Jean Gabin avec une minette topless sur une plage, le haut du bermuda au milieu des fesses ? « Notre Jean national avec une nouvelle fiancée à la Grande-Motte » Vous voyez Lino Ventura avec un piercing dans la langue ? Yves Montand avec un tatoo tribal ? Jean Lefebvre avec un jean techtonik qui lui ferait des cuisses de grenouille ? Ou Alain Delon avec des Crocs vert fluo? Ah ! Oui ! Elle lisait beaucoup ! Toutes les conneries qu’on trouve chez Paulette coiffure ! Ce que l’on appelle la presse féminine. Tout comme il y a une littérature féminine. Ah ! Les pauvres gens ! Ah ! Les pauvres femmes ! Et ça vote ! Ca a le droite de vote !

Bien évidemment et vous l’aurez compris, je vous cause depuis un moment de ma fille ! Solange !

revision

Ah ! La saleté ! Jusqu’à ses quatorze ans, une merveille ! Bon… J’l’ai déjà dit ça ! Mais ma pauvre ! C’est pour tout le monde pareil ! Quatorze ans chez les filles, c’est l’âge critique ! Lorsqu’elles rangent les Barbies pour sortir le string, y a du soucis à se faire ! Tiens ! Au départ, à la naissance, tiens ! Même plus tôt encore ! Parce qu’on vit une époque formidable ! A tous points de vue ! Où avec un CAP de mécanicien ajusteur, on peut diriger la caisse d’assurance-maladie si on a un tonton ou un parrain bien placé ! Tenez ! Même à l’échographie ! Ben moi, j’étais ravi que ce soit une fille ! De toute façon, on prend ce qui vient ! C’est-y pas vrai ? On va pas les noyer comme des petits chats comme ça se fait par ailleurs ! Oui ! Ca se fait par ailleurs ! Définitivement ! Une époque formidable !

Mais oui ma pauvre ! C’est pour tout le monde pareil les filles ! Jusqu’à ses 14 ans, la princesse à son papou ! Même pas besoin de lever le petit doigt pour que je réalise toutes ses volontés ! Tiens ! Elle aurait pu déféquer, oh ! C’est moche comme mot ça ! A vrai dire, j’ai essayé d’édulcorer mes propos par pure bonne volonté, pour choquer le moins de monde possible ! Vous me connaissez ! Jean-Louis Boulard, d’Issougny-les-Crémones ! Le pavillon neuf à la sortie du bourg, à main droite, comme de juste ! Oui ! C’est vraiment vilain de dire déféquer ! J’me reprends : Elle aurait pu chier sur la table, j’aurais rien dit ! Ou presque ! Enfin, j’aurais admis ! Mais avoir une fille pour un papou, mais c’était mon Amérique à moi ! Une merveille ! Evidemment, les potes jaloux essayaient de me faire atterrir ! Y disaient : « Attends qu’elle ait 14 ans ! » Ma pauvre ! J’me foutais d’eux comme de mon premier suppo à l’eucalyptus ! J’me croyais le plus fort ! Unique ! Jean-Louis Boulard y se fera pas avoir par le système ! Encore moins par les traditions à la noix ni par l’instinct ! Une fois de plus, par pure coquetterie, je me mettais le doigt dans l’œil ! Jusqu’à l’épaule !

Elle était en Terminale L comme littéraire ma pauvre ! Solange ! L’année dernière ! Et dans sa chambre ? Un bordel ! Un bordel ! Et dans ce capharnaüm, pour causer plus correct, y avait pas beaucoup de bouquins ! Quelques Oui-Oui qu’elle avait reçu pour ses anniversaires, ses fêtes, ses pâques. Un seul truc sérieux comme bouquin : Fantômette contre Dracula ! Edité dans la bibliothèque verte. Et elle préparait un bac littéraire… Et fallait l’entendre causer de messieurs Molière et consorts dont on voulait lui imposer la lecture au lycée ! « C’était que de la merde ! Des conneries d’autrefois que même à la tv y-z-en veulent plus ! Bien la preuve ! » Qu’elle proclamait ! Le père Goriot, revu par la tv, face à Jean-Pierre Foucault, y avait pas un rat pour regarder ! A part des vieux, des tristes bien sûr ! Elle était en terminale. En mai, au mois de mai, j’y demandais :

« Tu révises ? Heu… T’es prête ? Parce que vu les notes que t’as eu aux épreuves de français l’an passé, faudrait peut-être te motiver ! »

Ah ! Ben… Motivée, elle l’était ! Paraissait que les profs, dès le mois de mars, ne faisaient plus cours pour faciliter les révisions à la maison. Ah ! Pour réviser, ça révisait ! Mais pas à la maison ! Enfin… Pas notre maison ! Elle allait chez sa copine Whitney !

pilorget

Whitney Poilbout, de la ferme à main gauche avant Bazoges-sur-Surche ! Ah ! Ca, pour réviser, elle révisait la pauvre ! Elle revenait dans des états de fatigue incroyables ! Des nuits entières au-dessus des bouquins et des cahiers ! Elle revenait les yeux rouges, gonflés ! A peine réveillée, elle allait vomir aux toilettes ! Et fallait voir la panoplie pour réviser : Mini-robe au ras du zouzou, maquillée comme une voiture volée, talons hauts, jusqu’au jour où j’ai rencontré monsieur Poilbout. Jacquot ! Jacquot Poilbout, au petit bar de l’Escale, en haut de la côte du Paradis. Ah ! Ben lui aussi y se faisait du soucis pour sa fille ! Pour la santé de sa sienne à tant réviser ! Sauf que lui, il pensait que les révisions, ça se passait chez moi ! Durant trois apéro ou quatre, sans modération, on s’est passé mutuellement des mouchoirs pour se retirer la merde des yeux ! Et de retour « at home », j’ai commencé par jouer du clairon pour lancer la corrida ! «  Papadada, papapapapapadada… » J’étais chargé à 3 grammes ! Fallait pas m’échauffer les oreilles, ni la…

bibi

 

Pourtant, mademoiselle ma fille m’a soutenu qu’une fois de plus, j’avais rien compris ! C’était pas chez Whitney qu’elle allait réviser ! Mais chez Madonna Pilorget !

poilbout

Mon sang n’a fait qu’un tour. Je me suis précipité vers le téléphone pour appeler m’sieur et m’dame Pilorget. Ma fille ma dit :

« Et pourquoi tu me fais pas confiance ? Salaud ! »

Salaud à son père ? Qu’elle me lançait ! Pour finalement me signaler qu’il était inutile de déranger m’sieur et m’dame Pilorget ! Oui ! Elle en convenait ! Ses révisions, ça se passait chaque nuit au Roule-roule ! Le night-club à la sortie d’Issougny-les-Crémones, à main-gauche, bien sûr lorsqu’on part vers Plourhinec-Kermaleur.

roule_roule

Fallait entendre sa mère ce soir-là ! Ma chère et tendre Berthe ! Berthe ! Née Gandon ! Mais qu’est ce que j’ai fait dans ma vie ? Mais comment on peut épouser une fille …? Bon à cette époque-là, elle était pas mal roulée, mais elle se prénommait déjà Berthe ! Vous imaginez, vous, dans la pénombre, soupirer au-dessus du traversin « Berthe » ? Berthe ! Berthe ! Mais c’est comme proférer des incongruités ! Mais ma fille, Solange, jamais elle ne se rendra compte de ce que j’ai été obligé de supporter pour qu’elle vienne au monde ! Berthe ! Y a quinze ans, Berthe, elle voulait se faire refaire les seins ! Gentiment, aimablement, je lui avais répondu :

« Tu ferais mieux de te faire refaire le nez ! Pour le nez, tiens, je suis d’accord ! Tiens ! J’te signe le chèque tout de suite ! Pour le nez, avec un petit bonus si y te rabotent aussi les sourcils ! Et puis alors si y te font l’épilation définitive ! »

bomba

Parce qu’elle pique Berthe ! Elle a toujours piqué Berthe vu qu’elle se rase au coupe-chou de son père depuis ses 13 ans !

J’sais pas comment ça se passe chez vous, mais des fois, on voudrait dire des choses importantes à son enfant, il est jamais trop tard, et puis y a l’autre qui intervient. La conjointe. Con jointe ! Et qui vous soulève, qui relève, qui ramène des vieux problèmes de couple qui n’ont rien à voir ! Ce soir-là, je me suis fait recevoir ! Vieux con qui vieillit mal, qui ne comprend rien à notre époque ni aux jeunes en particulier, pauvre nullité de moi-même qui n’a que son BEPC, ancienne appellation du brevet des collèges, quand on n’écrivait pas encore en texto dans les dissertations ! Un gorille d’une inculture crasse qui ne reconnaît pas-même la moitié des invités du grand journal de je ne sais plus quelle chaine, présenté par l’autre grand intellectuel dont ma mère dit qu’il a les yeux en trou de pine ! Qui je suis, moi, pour donner des leçons à ma fille ? Alors que je n’ai aucune position sociale, pas même de nom pour l’aider à acquérir une position sociale de bon aloi ! Jean-Louis Boulard, c’est pas Maurice Viguier, Momo, le président du comité des fêtes qu’a aidé son fils cadet, c’est notoire, c’est pas officiel mais… C’est plus un mystère ! Son fils cadet René, Néné, à obtenir la présidence de la chambre de commerce, bien qu’il soit en redoublement de CAP de boucherie chevaline, et malgré ses 13 ans ! Ah ! Quand on est le fils d’un génie, Momo Viguier ! Tout est permis ! 

La mienne de fille, elle me reproche de ne pas pouvoir la pistonner. Et puis, elle a arrêté ses études ! Elle a bien compris que ça ne servait à rien ! Qu’y avait que le piston qui comptait dans la vie ! Elle m’a dit aussi qu’elle avait la niaque, qu’elle voulait entrer dans la vie active. D’autant qu’elle venait de rencontrer Keu-vin ! Ca s’écrit Kevin, c’est un prénom d’origine de Meurthe-et-Mayenne !

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Mais ça se prononce Keu-Vin ! Un beau gars ! 1m90 au garrot, y bouffe ! Mais qu’est ce qu’y bouffe ! Sinon, y a rien à dire à son propos ! Surtout qu’y plait bien à ma bourgeoise ! Ah ! Lui aussi il a la niaque ! Hé ! La niaque, mais y a pas de boulot, comme chacun sait ! Ou des boulots guère valorisants ! Après les présentations d’usage, il s’est installé doucement mais sûrement à la maison où la gamelle est bonne. Il s’est surtout installé dans le canapé, devant la tv, où il pratique la console de jeux vidéos. C’est pas que le pavillon soit grand mais à la guerre économique comme à la guerre incohérente sociale, on fait avec ! Alors, ils vivent tous deux dans la chambre d’ado de Solange, c’est comme ça ! Nous, on avait prévu de vendre un jour le pavillon pour acheter quelque chose en Tarn-et-Saône, mais on va attendre qu’ils se fassent une situation ces deux-là. Il paraît que c’est un phénomène social… Un autre phénomène, la merveille à son papou avant ses quatorze ans, maintenant, et puisque nos chambres sont mitoyennes, phénomène… Ca me fait drôle certaines nuits d’entendre ma Solange mordre l’oreiller. Mais faut bien le supporter ! Sinon, l’autre, Berthe, elle va encore m’engueuler ! Oui !

berthe

 

Berthe, ni les seins, ni la gueule de refaite ! La vie, c’est comme un ouragan !

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